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Le ras-le-bol de l’administration américaine

AU PIED DU MUR

«La politique systématique et continue d’extension des colonies, de légalisation des ‘avant-postes’ et d’expropriation de terres [palestiniennes] pousse Israël dans une fausse direction et à la création d’un Etat unique; il s’agit d’une orientation dangereuse.» C’est en ces termes que le vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, s’est adressé aux invités du gala annuel de J Street, le lobby juif libéral étasunien. La présence conjointe du vice-président et du secrétaire d’Etat John Kerry à cette réception n’était pas anodine; J Street est une organisation considérée par l’establishment juif comme «ultraradicale» et «anti-israélienne». Si le groupe de pression critique la politique du gouvernement d’extrême droite israélien, cela n’en fait pas une organisation anti-israélienne, loin s’en faut. Mais, pour le lobby pro-israélien American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), tous ceux qui expriment une quelconque critique envers les dirigeants israéliens sont des ennemis de l’Etat hébreu.

Lors de cette soirée, le vice-président Biden n’a pas hésité à saluer chaleureusement Stav Shafir, jeune députée du Parti travailliste et ancienne porte-parole du mouvement des Indignés de 2011, qui était l’invitée d’honneur de J Street. «J’espère que, prochainement, vos opinions seront majoritaires à la Knesset», a insisté Joe Biden, qui a même évoqué l’«immense frustration» que provoque la politique du gouvernement Netanyahou car, a-t-il ajouté, «on ne peut se contenter de critiquer l’autre parti sans faire soi-même un effort pour changer les choses et la vie des gens qui vivent là-bas.»

La présence de ces hautes personnalités de l’administration en place a été évidement perçue par le gouvernement israélien comme une gifle et comme l’expression publique d’une grande déception de la part de Washington envers la politique de Netanyahou. Elle exprimait aussi la gratitude de l’administration Obama envers J Street pour son action en faveur de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. «Nous devons beaucoup à J Street pour son rôle déterminant dans l’adoption de l’accord par le Congrès», a dit le vice-président. A ce propos, il faut se rappeler que l’accord sur le nucléaire entre les grandes puissances et l’Iran est sans aucun doute la défaite stratégique la plus cinglante qu’ait connue le premier ministre israélien qui, pendant deux décennies, n’a cessé d’appeler au bombardement de la République islamique d’Iran, qu’il considérait comme les «nazis du troisième millénaire».

L’alliance stratégique entre Israël et les Etats-Unis est forte et va durer, et Joe Biden n’a d’ailleurs pas oublié de mentionner les 3 milliards d’aide supplémentaire accordés à Israël (en plus des 3,5 milliards annuels d’aide militaire) que l’administration en place a fait voter cette année. Mais l’«immense frustration» qu’a évoquée le vice-président démontre l’agacement croissant qu’éprouve l’administration étasunienne face à la politique de fermeture du gouvernement Netanyahou.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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