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La santé dentaire pour tous

À votre santé!

La Fédération mondiale des dentistes (FDI) dont fait partie l’Association suisse des dentistes (SSO) a publié récemment un document intitulé «Vision 2020»1 value="1">www.fdiworldental.org/media/12502/vision_2020_french.pdf de la santé buccodentaire qui rappelle un certain nombre de vérités. Tout d’abord qu’à l’échelle mondiale, le fardeau des affections buccodentaires est très élevé, occupant le quatrième rang des maladies les plus coûteuses à soigner, et qu’actuellement les caries dentaires concernent non seulement tous les adultes mais aussi entre 60% et 90% des enfants selon les régions du monde.

Le rapport souligne par ailleurs qu’il existe des inégalités persistantes et flagrantes en matière d’accès aux soins de santé buccale, non seulement à travers le monde, mais également au sein de chaque pays. A ce sujet, il vaut la peine de revenir sur une étude réalisée à la Polyclinique médicale universitaire de Lausanne en 2009, montrant qu’en Suisse la santé buccale des groupes socioéconomiques faibles est plus mauvaise à tous les âges que celle des groupes favorisés. L’étude vaudoise a également relevé que les inégalités de la santé buccale reflétaient celles de la santé générale.

Quant au document de la FDI, il rappelle en outre que, en période de difficultés économiques, les ressources financières tendent à être retirées des soins buccodentaires et réorientées vers des domaines et des maladies pour lesquels l’absence de traitement a des conséquences plus rapides et plus visibles. Si bien que, parfois, les moyens des familles ne permettent tout simplement plus de financer leurs soins buccodentaires. Alors que, selon des données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en moyenne plus de 50% des frais dentaires sont à la charge directe des patients – à plus de 90% pour l’Espagne et la Suisse (!) et à 25% en France et en Allemagne.

La FDI poursuit son analyse en soulignant que les politiques de santé buccodentaire doivent faire partie de celles de la santé en général. Et de rappeler que ce n’est que depuis 2002 que l’Organisation mondiale de la santé l’a reconnu comme tel. En 2007, l’OMS a fait encore un pas de plus en encourageant les Etats à «garantir l’intégration de la santé buccodentaire dans les politiques globales pour la prévention et le traitement des maladies». La FDI indique également que les problèmes de santé buccodentaire sont à considérer comme faisant partie des maladies chroniques, et que ceci est d’autant plus vrai dans une société vieillissante comme la nôtre. Elle précise qu’il faudrait, comme pour toute maladie chronique, sortir du modèle «traditionnel» exclusivement curatif et se diriger vers une approche se concentrant sur la prévention et la promotion. La FDI rappelle que, de plus, un certain nombre de facteurs de risque sont communs à plusieurs maladies, comme la qualité de l’alimentation, qui concerne à la fois les affections buccodentaires ou cardiovasculaires mais aussi l’obésité.

Dans ce contexte, continue la FDI, il s’agit donc de réviser les programmes d’études des médecins-dentistes afin de mettre davantage l’accent sur la santé publique et l’épidémiologie, tout en développant encore plus le travail en réseau avec les autres professionnels (hygiénistes et technicien-ne-s dentaires, mais aussi infirmiers/-ières, médecins de premiers recours, éducateurs/-trices et enseignant-e-s).

La FDI insiste sur l’importance d’encourager des partenariats entre les secteurs public et privé pour traiter le droit à un accès universel aux soins buccodentaires, quelle que soit la situation financière des patients. L’organisation professionnelle conclut sur le fait que les dentistes ont un rôle à jouer en préconisant l’inclusion des soins buccodentaires dans les schémas d’assurance-maladie.

Alors que plusieurs cantons suisses s’apprêtent à voter prochainement sur des initiatives pour «le remboursement des soins dentaires», la prise de position de la FDI ne manque pas d’intérêt. Elle détonne un peu avec celles de nombreux médecins-dentistes qui se situent en flagrante opposition avec leur association-mère. Quant aux chiffres de l’OCDE, ils nous rappellent que la Suisse, jusqu’à ce jour, refuse les évidences médicales en n’incluant pas les traitements dentaires dans la LaMal…

Il faut dire que cette même Suisse – ou ses représentants majoritaires dans l’Assemblée fédérale – ne parvient toujours pas à élaborer une législation fédérale sur la promotion de la santé et la prévention des maladies. Pourtant, face au défi des maladies chroniques qui seront de plus en plus nombreuses dans un futur proche, il est urgent de le faire puisque les coûts de la prévention sont moindres que ceux du curatif… sauf pour ceux qui détiennent les rênes du marché, et qui se moquent des principes de santé publique, et donc de la santé pour tous.

Notes[+]

* Pédiatre FMH et président de Médecins du Monde Suisse

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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