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Joyeuses Pâques…

L'Impoligraphe

A Piogre, en ce moment, on s’étripe à gauche pour un foulard. Même pas un voile, un foulard. Parce que les intégristes musulmans en ont fait une prescription religieuse (ils ont lu l’épître de Paul aux Corinthiens, les cachottiers). Une querelle genevoise qui doit paraître d’un absolu exotisme en quelques autres lieux – tenez, par exemple, à Fribourg, où le débat sur la laïcité semble avoir été clos avant même que d’avoir été entamé. Non seulement Fribourg n’est pas un canton laïque (il n’y en a d’ailleurs que deux en Suisse, et encore ne le sont-ils qu’à moitié, en comptant large: Genève et Neuchâtel), mais on vient d’apprendre qu’avec la bénédiction des Eglises catholique et protestante du coin, «unanimes pour dire que notre tradition chrétienne doit être transmise à nos enfants» comme le résume une représentante des protestants (on ne les brûle plus en place publique, à Fribourg, les huguenots?), une «catéchèse œcuménique» va être introduite dans les cinq ans… à l’école enfantine. Pour les enfants de 4 à 6 ans, donc. Faut les prendre tôt, les gniards, pour leur bourrer le crâne. Et un enseignement religieux prénatal, utérin, directement dispensé aux fœtus, ils y ont pensé? Oui, sûrement. Ça viendra. Question de patience.

Donc, à Genève, le PLR veut intégrer dans le règlement du personnel municipal, au nom de la laïcité, un article interdisant aux membres de ce personnel d’arborer des signes religieux visibles sur leur lieu de travail. Cela, après qu’une employée a porté un foulard. Et le MCG a surenchéri en déposant une motion porcine exigeant le retour de la cochonnaille dans les menus des cuisines scolaires. Cela, au nom des traditions culinaires locales. Le Conseil municipal aurait-il approuvé la motion Hermès du PLR et la motion Justin Bridou du MCG, qu’y aurait gagné la laïcité? Rien. Bien au contraire.

Qu’est-ce que les intégristes (musulmans ou non) détestent le plus? Les lois, les règlements, les punitions, la répression, les interdictions, les obligations? Non: les libertés. Y compris celle de se vêtir comme on l’aime. Des lois, des règlements, ils en pondent au rythme d’une poule halal de concours. Les punitions, la répression, ils s’en nourrissent avec la même gloutonnerie qu’ils en administrent. Mais les libertés, toutes les libertés, même celles dont ils usent, ils y sont définitivement allergiques. C’est donc d’elles, et pour un choc anaphylactique, qu’il nous faut user contre eux… D’elles, et de toutes. Notre réponse à l’intégrisme, au cléricalisme, au totalitarisme religieux, à la religion unique, à la criminalisation de l’athéisme, du blasphème, de l’apostasie, c’est la liberté. C’est toujours plus de ces libertés individuelles et collectives dont la laïcité est une condition, et dont elles sont la finalité.

Et d’entre ces libertés, la liberté de religion et d’irréligion: «Mais quand enfin l’Etat aura le courage et la force de remplir sa destination générale et d’être libre, quand il sera aussi en situation de donner aux intérêts particuliers et aux affaires privées leurs vraies positions – alors l’Eglise et la religion seront libres comme elles ne l’auront jamais été jusque-là: elles seront abandonnées à elles-mêmes comme étant choses d’ordre purement privé et satisfaction de besoins purement personnels» (Max Stirner). De besoins que toutes et tous ne ressentent d’ailleurs pas, mais peu importe: il n’est pas nécessaire qu’un besoin soit universel pour qu’il soit un besoin. Ou une addiction. Et on sait bien qu’on n’a jamais réussi à soigner une addiction par une interdiction.

On nous dira que le voile (ou le foulard…) est un symbole. Un symbole de l’oppression des femmes par le patriarcat, et de l’aliénation religieuse (des hommes et des femmes) par les religions qui ont récupéré ce symbole patriarcal. Et cela est vrai. Mais il n’est pas que cela, le voile – et n’en faire que cela, c’est précisément légitimer la récupération religieuse d’un code vestimentaire. Interdire vaut obliger. Les intégristes disent que le voile est un signe religieux? Alors on l’interdit comme tel. Ce qui confirme les intégristes.

Après tout, l’auteur de ces lignes est barbu comme un djihadiste et porte chemise sans col comme un intégriste, et n’a pas plus l’intention de se débarbiser pour se faire une tête d’athée que de porter cravate pour se faire une vêture de laïc.
Sur ce, Joyeuses Pâques…

* Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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