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Vomir!

Chroniques de résistance

«Ne nourrissez pas les réfugiés, sinon d’autres viendront!». Cette déclaration d’un cynisme total1 value="1">Libération du 4.2.2016. a été faite par Carl Decaluwé, gouverneur de la Flandre occidentale (Belgique), devant l’arrivée de réfugiés en provenance de Calais. Cet homme est chrétien démocrate et, avec lui, nous touchons le fond de l’abjection… Sans doute, cet homme n’a-t-il jamais eu faim de sa vie, mais, dans tous cas il ne sait plus depuis longtemps ce que sont la démocratie et le christianisme!
Si un tel mot d’ordre immonde peut être prononcé publiquement début février 2016 par un responsable politique, c’est que l’Europe «officielle» a perdu tout sens de l’humanité et de la décence. Et toute mémoire en même temps…

Devant l’exode le plus important que le continent a connu depuis 1945, tous les gouvernements font assaut d’indignité, de lâcheté et de violence d’Etat! Ainsi, la proposition de la Commission européenne, laissant tomber la règlementation Dublin de «relocaliser» dans les 28 pays membres de l’Union européenne 160 000 réfugiés accueillis actuellement par l’Italie et la Grèce, n’a abouti jusqu’à présent qu’à un placement de 600 d’entre eux… Ainsi, depuis dix jours, ladite route des Balkans est pratiquement fermée à la suite des décisions successives, avec effet domino, de l’Autriche, la Tchéquie, la Slovaquie, la Croatie, la Hongrie, la Serbie et la Macédoine de ne plus faire passer les exilés qu’au compte-goutte… alors que la Grèce voit arriver sur ses rives 2000 personnes par jour environ et en a déjà accueilli 110 000 depuis le 1er janvier! Les accords de Schengen, prévoyant la libre circulation, sont de fait suspendus par les gouvernements de l’Est européen les uns après les autres! C’est chacun pour soi et barbelés pour tous… Et tant pis pour les réfugiés dont plus d’un tiers sont des enfants! Qu’ils crèvent… Et cela n’est pas une imprécation: 5350 personnes se sont noyées en Méditerranée en 2015 (chiffre OIM).

Le cynisme général est parfaitement illustré par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur français, et par Manuel Valls, le Premier ministre de cette république qui perd le nord chaque jour un peu plus. Ainsi, Valls a prononcé un discours odieux à Munich le 13 février dernier en déclarant: «Nous envoyons un message clair: maintenant, la France n’accueille plus de réfugiés» et en admonestant la chancelière Angela Merkel, traitée de «naïve» et accusée de mener une politique «intenable et mettant en danger l’Europe».2 value="2">Libération du 16.2.2016. Quant à Cazeneuve, il frappe en amont et en aval. En amont, il s’est rendu le 4 février avec son collègue allemand, Thomas de Maizière, sur l’île de Lesbos et à Athènes pour reprocher à Alexis Tsipras de «ne pas avoir su empêcher l’afflux massif de réfugiés»3 value="3">Libération du 4.2.2016. et le menacer de se faire sortir de la zone Schengen pour deux ans… Et en lui donnant trois mois pour corriger sa politique! En aval, il fait évacuer la moitié sud de la «jungle» de Calais, soit 3500 personnes dont 450 mineurs non accompagnés, sans aucune alternative réelle, alors que c’est le gouvernement français lui-même qui avait poussé les réfugiés, il y a une année, à occuper cette lande, sans infrastructures à l’époque, pour qu’ils quittent la ville de Calais…

Ces attitudes scandaleuses et perpétuées en violation parfaite des droits fondamentaux sont justifiées, disent les autorités, par la montée en puissance des xénophobies populaires et les violences physiques perpétrées par des milices fascistes pratiquant agressions et ratonnades, dans nombre de pays européens. Or, les témoignages de solidarités actives et permanentes d’individus, de collectifs et d’ONG se multiplient aux quatre coins du continent, démentant par la pratique les couardes affirmations gouvernementales. Ainsi, par exemple, comme à Lampedusa, les habitants de l’île de Lesbos sont magnifiques de courage, de sollicitude, de sauvetages et d’accueil fraternel4 value="4">Voir les reportages dans Politis du 7.1.2016, Libération des 27.1.2016 et 4.2.2016.. Sur la côte nord de Lesbos, des opérations en mer sont menées par Médecins sans frontières avec l’aide de Greenpeace, alors que, depuis jeudi 25 février, une autre opération d’ampleur est menée par l’association SOS Méditerranée avec Médecins du Monde à bord d’un navire humanitaire de 77 m de long, l’Aquarius, navigant en haute mer entre les côtes libyennes et italiennes5 value="5">Libération du 20.2.2016..

Face à cette solidarité d’en bas qui se développe, l’Union européenne se calfeutre derrière ses murs: elle a décidé d’envoyer trois bâtiments militaires de l’OTAN pour patrouiller en mer Egée et repousser les barques des réfugiés venant de Turquie et elle demande au président Erdogan, qui massacre les Kurdes de son pays, de garder tous les migrants passant par la Turquie en échange de quelques millions d’euros…A vomir, oui vomir!

Notes[+]

* Animateur en éducation populaire.

Opinions Chroniques Bruno Clément

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lundi 8 janvier 2018

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