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Il faut sauver Mohammed al-Qiq

AU PIED DU MUR

A ce jour, 26 février, Mohammed al-Qiq est en grève de la faim depuis 94 jours. Ce journaliste 33 ans, militant du Hamas, est hospitalisé dans un état critique à l’hôpital d’Afula, en Galilée. Malgré son état, il refuse de suspendre sa grève. Une délégation de prisonniers importants du Hamas a été autorisée à lui rendre visite pour tenter de le convaincre à se nourrir, mais al-Qiq persiste dans son refus.

Qu’exige-t-il? Tout simplement d’être libéré. Car al-Qiq n’a jamais été jugé ni inculpé. Il est en détention administrative, c’est-à-dire détenu pour des périodes de six mois, renouvelables à l’infini, par la seule décision des autorités militaires israéliennes qui administrent les territoires occupés.

La détention administrative, utilisée massivement par le pouvoir israélien (y compris, jusque dans les années 1970, contre des citoyens israéliens arabes) fait partie de l’arsenal répressif mis en place par le Mandat britannique en 1945, et toujours en vigueur, pour mater les mouvements d’émancipation nationale, sous le nom de «Décrets de défense en état d’urgence – 1945».

Jugé ou libéré: c’est cela qu’ont toujours revendiqué les détenus administratifs, et c’est ce qu’exige Mohammed al-Qiq avec sa grève de la faim, quitte à y laisser la vie.

Depuis quelques semaines, des voix s’élèvent en Israël pour tenter de percer le mur d’indifférence auquel se heurte al-Qiq et qui fait consensus dans la classe politique israélienne. En effet, la mort de Mohammed al-Qiq pourrait embraser une Cisjordanie où les braises de la révolte s’allument un peu partout, et nombreux sont les commentateurs israéliens qui dénoncent l’autisme du Premier ministre Benyamin Netanyahou face à ce qui est en train de germer au sein de la population palestinienne.

L’éventualité d’une grève de la faim de tous les prisonniers politiques palestiniens, en solidarité avec al-Qiq, est de plus en plus probable. Or, l’histoire des quarante dernières années a montré qu’une grève générale des prisonniers pouvait servir de catalyse à une révolte populaire. C’est ce qui explique sans doute l’intervention discrète auprès de Netanyahou de certains gouvernements amis d’Israël, soucieux de l’avenir du président Abbas au cas où une révolte populaire palestinienne viendrait à éclater. Jusqu’à présent, Netanyahou a fait la sourde oreille: «On ne cède pas face au terrorisme», ose-t-il répéter, le ‘terrorisme’ étant, en l’occurrence, la grève de la faim de Mohammed al-Qiq.

Il y a urgence, pour les mouvements de solidarité européens, à exiger des gouvernements et des institutions européennes qu’ils fassent pression sur le gouvernement israélien pour qu’il libère un militant emprisonné sans jugement. Avant qu’il ne soit trop tard.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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