Chroniques

Sauver le climat ou la croissance?

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Retour sur la COP21, qui vient de s’achever à Paris. Et sur la photo qualifiée d’historique, réunissant 150 chefs d’Etat au Bourget. Fait piquant: juste après la photo officielle de la Conférence de Paris sur le climat, les chefs d’Etats africains ont mis le cap sur l’Afrique du Sud, où se tenait, les 4 et 5 décembre à Johannesburg, le 6e Forum sur la coopération sino-africaine. Adieu le climat, bonjour le business!

C’est que, contrairement aux années précédentes, où le boom des investissements chinois sur le continent africain faisait l’objet de commentaires dithyrambiques, ceux-ci ont plongé de plus de 40% au premier semestre 2015. Tout comme, d’ailleurs, les importations. En cause: le ralentissement de l’économie mondiale et, partant, de l’économie de la Chine, devenue l’atelier du monde en l’espace de quelques décennies.

C’est dire si ce 6e Forum Chine-Afrique revêtait une importance cruciale pour les pays africains, déjà à la peine avec la baisse du prix du pétrole et des matières premières, alors que leur endettement ne cesse de croître. L’aide financière chinoise porte d’ailleurs une part de responsabilité dans cette envolée de leur endettement. C’est là une des équations que les chefs de pays africains, qui ont pratiquement tous fait le voyage de Johannesburg, ont cherché à résoudre avec le président Xi Jinping et la très importante délégation qui l’accompagnait, composée aussi bien de chefs d’entreprises, de fonctionnaires, de ministres que d’une nuée de banquiers.

Au même moment à Paris, les négociations sur le climat se poursuivaient dans un climat tendu, avec des négociateurs soumis à de vives pressions pour parvenir à finaliser un accord, finalement accepté à l’unanimité le week-end dernier. La France a pesé de tout son poids pour parvenir à un accord contraignant, dont les termes ont suscité de nombreuses oppositions, notamment de la part des pays émergents, parmi lesquels l’Inde et la Chine.

A l’heure où chaque pays doit démontrer son engagement pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, une forte pression s’exerce sur la Chine, montrée du doigt comme étant le premier pollueur mondial, et premier émetteur de CO2, ce qui n’est guère étonnant: le monde entier a délocalisé dans l’Empire du Milieu ses industries les plus polluantes. Les entreprises des pays dits industrialisés – désormais en voie de désindustrialisation avancée – ont d’ailleurs toujours bien apprécié d’y trouver non seulement une main-d’œuvre bon marché, mais aussi des règles environnementales bien moins contraignantes que dans leurs pays d’origine.

Résultat: aujourd’hui, la population chinoise n’arrive plus à respirer. On parle désormais «d’airpocalypse», tant la pollution a pris une tournure dramatique. Les particules fines, dites PM2,5, qui s’incrustent profondément dans les poumons, sont directement responsables du décès de centaines de milliers de Chinois. Un air extrêmement malsain, qui fait vivre un enfer à un nombre croissant de la population, victime d’accidents vasculaires cérébraux, de cancers du poumon, d’infections des voies respiratoires comme jamais auparavant.

Ce tribut très lourd payé par la population chinoise pour la formidable croissance qu’a connu leur pays ne figurait pourtant pas à l’agenda des discussions entre chefs d’Etat africains et responsables chinois. On évoqua plutôt les stratégies pour redynamiser des échanges commerciaux, que le premier ministre chinois, Li Keqiang, verrait bien doubler d’ici à 2020. La volonté de la Chine de continuer à miser sur le continent africain pour assurer son approvisionnement en pétrole, en minerais, en bois, pour alimenter ses industries est intact. Tout comme celle d’offrir à ses entreprises des débouchés.

Business as usual, en quelque sorte. Avec, en filigrane, cette question lancinante: la lutte contre le réchauffement climatique est-elle compatible avec des échanges commerciaux toujours plus denses et une croissance économique derrière laquelle chaque pays continue à courir?

* Journaliste, SWISSAID (l’opinion exprimée ne reflète pas nécessairement celle de SWISSAID).

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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