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«Monnaie pleine» protégerait la Suisse des crises financières (II)

BANQUES • Avec cette initiative, non seulement la crise financière n’aurait pas eu lieu, mais la BNS aurait tous les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre ses méfaits.

Dans l’article précédent (voir Le Courrier du 3 février), nous avons vu que le système financier, qui permet aux banques de créer 90% de la monnaie à partir de rien, est responsable des crises économiques à répétition, et qu’il est indispensable de le changer pour éviter l’effondrement total du système économique.

Les banques ne prêtent pas l’argent des épargnants. Elles le créent ex nihilo en inscrivant le montant prêté sur le compte courant du client. Dans la mesure où la majeure partie des crédits n’est jamais retirée physiquement mais utilisée pour faire des paiements électroniques, l’argent n’a pas besoin d’exister en billets et en pièces. En tant que moyen de payement accepté universellement, cette somme existe cependant bel et bien, mais uniquement sous forme d’argent électronique. Les banques créent ainsi l’essentiel de l’argent en circulation. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de limite aux sommes que les banques peuvent créer, même pour acheter des biens pour leur propre compte ou pour spéculer. Les crises financières et économiques sont ainsi programmées et aucune règle, ni Bâle 1, 2 ou 3, ne peut l’empêcher. Après la crise de 2008,  la banque Barclay’s a augmenté son capital en prêtant 5,8 milliards de livres à des investisseurs afin qu’ils achètent les actions Barclay’s que la banque venait de produire1 value="1">Richard A. Werner: How do banks create money www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1057521914001434. Barclay’s a ainsi créé son propre capital. Quand il ne s’agit pas de son propre capital, la banque n’a même pas besoin d’intermédiaire pour acheter ce qu’elle veut avec l’argent qu’elle crée à volonté. Les banques ont non seulement un avantage économique illégitime sur le reste de l’économie, mais quand leurs spéculations les mettent en difficulté, les Etats sont en plus obligés de les sauver (Too big to fail – TBTF).

Pour comprendre la réforme Monnaie pleine, imaginons que chaque banque ait deux départements, l’un de gestion et l’autre d’investissement. Le département de gestion ne travaillerait qu’avec des billets de banque réels qui seraient conservés dans des boîtes individuelles marquées au nom des clients auxquels ils appartiennent; les billets resteraient dans ces boîtes et seraient gérés et comptabilisés en dehors du bilan de la banque jusqu’à leur retrait ou leur transfert à la suite d’un ordre de payement ou d’investissement; dans ce dernier cas, les billets seraient transférés au département d’investissement. Celui-ci ferait tout ce que les banques font actuellement sauf:

(1) la gestion des payements
(2) il ne pourra faire du crédit qu’avec l’argent qu’il aura auparavant reçu à cette fin du département de gestion, d’une autre banque ou de la BNS.

Il ne s’agit nullement de scinder les banques en deux, comme certains l’ont affirmé faussement, mais de faire quelques modifications comptables simples qui auraient pour conséquence de déconnecter le système des payements du circuit épargne-crédit, signifiant la fin définitive des problèmes systémiques et du TBTF. L’argent des clients qui n’est pas investi serait géré en dehors du bilan des banques et 100% sûr.

La crainte que cette réforme ne crée des pénuries de crédit est infondée. Si l’épargne naturelle ne suffit pas, les banques pourront emprunter auprès de la BNS, qui pourra répondre en fonction de son appréciation de la conjoncture économique du moment. La création du franc ne peut pas non plus se déplacer à l’étranger. C’est une impossibilité économique. La BNS se muera en véritable quatrième pouvoir étatique, le Monétatif. Elle aura les moyens d’influencer directement la masse monétaire dont dépend le bon fonctionnement de l’économie. Tous ces sujets sont traités sur le site internet de Monnaie pleine www.initiative-monnaie-pleine.ch.

A la suite de la réforme Monnaie pleine, l’Etat bénéficiera en plus d’une somme correspondant annuellement à l’accroissement du PIB et la création de l’argent ne sera plus liée obligatoirement au crédit et à la dette. La réforme est facile à mettre en place même si les autres pays gardent l’ancien système monétaire à base de réserves fractionnaires.

Signer l’initiative «Monnaie pleine», c’est d’abord ouvrir un débat sur notre système financier dont plus personne ne prétend qu’il fonctionne correctement. C’est ensuite donner une chance à une évolution qui pourrait s’avérer une révolution dans l’intérêt de tous! Avec Monnaie pleine, non seulement la crise financière n’aurait pas eu lieu, mais la BNS aurait tous les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre ses méfaits, par exemple le franc fort.
 

Notes[+]

* Ancien avocat, soutien actif à l’initiative «Monnaie pleine».

Opinions Agora Christoph Meier

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