Agora

Protéger la Suisse des crises financières

BANQUES • En créant de l’argent de toutes pièces pour alimenter leurs activités financières, les banques favorisent la formation de bulles spéculatives. L’initiative «Monnaie pleine» propose de redonner le monopole de la création monétaire à la BNS.

En 2008, le monde a frôlé une crise économique majeure. Nous avons échappé de justesse à l’effondrement complet de l’économie mondiale. 208 fois le budget de la Suisse, soit 14 000 milliards de dollars: c’est le montant que, selon la Banque d’Angleterre, les Etats ont dépensé jusqu’en 2009 pour sauver dix des vingt plus grandes banques du monde. A l’âge de la globalisation et de la libéralisation, la taille des banques et leur interdépendance dans un marché mondialisé sont telles que si l’UBS tousse, les banques du monde entier arrêtent de respirer, de peur d’attraper le virus. De même, si la Grèce avait fait faillite, des banques étrangères seraient aussi tombées, entraînant petit à petit le système bancaire mondial dans un cataclysme. D’un seul coup, notre épargne et nos dépôts se seraient évaporés et tout le système de paiement se serait arrêté net: plus une carte bancaire, plus aucun bancomat n’aurait fonctionné; plus de salaire, plus de quoi payer le pain, les médicaments, etc.

Alarmiste? Exagéré? On n’aurait tout de même pas dépensé des sommes astronomiques si la situation n’avait pas été gravissime. La vérité est qu’aucun Etat ne peut plus prendre le risque d’un tel effondrement. Voilà ce que signifient «too big to fail» (TBTF) et «risque systémique». Nous sommes les otages d’un système financier hors de contrôle qui offre aux banques une assurance tout risque aux frais des contribuables.

Cela dit, le danger n’est nullement écarté. Le FMI et l’Union européenne préparent des règles appelées «bail-in» qui empêcheraient d’emblée toute faillite bancaire par la confiscation des avoirs privés dans le but de renflouer les banques malades.1 value="1">Déjà appliqué à Chypre en 2013 et dans l’UE probablement à partir de 2016.

Comment en sommes-nous arrivés là? Le cœur du problème, ce sont les mécanismes de création de l’argent. L’économie dépend de la monnaie en circulation: sans elle, pas de commerce, ni de développement, ni de progrès matériel. L’argent est à l’économie ce que l’air est au moteur à explosion: sans valeur intrinsèque mais indispensable en quantité précise, sinon le moteur s’arrête; avec trop d’argent, l’économie éclate en bulles spéculatives, avec trop peu, elle sombre dans la dépression.

Or, ce que la plupart des gens ignorent, c’est que dans le système financier actuel, les banques privées créent environ 90% de la monnaie sous forme de monnaie électronique. Plus aucun économiste sérieux ne conteste ce fait. Le Conseil fédéral reconnaît ouvertement le rôle des banques, mais n’y voit rien à redire: «La croissance des substituts monétaires [toute la monnaie sauf les billets et les pièces] est laissée à la libre appréciation des marchés, conformément à la conception du secteur privé ancrée dans la Constitution.» Le problème est que les banques, travaillant pour maximiser leur profit, finissent immanquablement par créer des bulles spéculatives comme en 1929 et 2008. Ces crises ne sont pas le fruit d’une quelconque pénurie. Elles sont exclusivement le produit d’un système financier débridé, comme d’ailleurs toutes les crises économiques (425 entre 1970 et 2007). Le renchérissement du franc et les récentes décisions de la BNS sont la conséquence directe de la crise non maîtrisée de 2008.

La solution est aussi évidente aujourd’hui qu’il y a 125 ans quand, par un vote populaire, le peuple suisse a interdit aux banques privées d’imprimer des billets. On ne peut plus laisser un bien public aussi fondamental que la création monétaire en mains privées. Traditionnellement, la frappe de la monnaie est un droit régalien de l’Etat. L’initiative «Monnaie pleine» propose de mettre à jour la règle constitutionnelle de 1891 en attribuant également à la BNS la création de la monnaie électronique (90% de la monnaie en circulation). Cette proposition n’est pas nouvelle. Le prix Nobel Maurice Allais l’exprimait ainsi: «En fait, sans aucune exagération, le mécanisme actuel de la création de monnaie par le crédit est certainement le ‘cancer’ qui ronge irrémédiablement les économies de marché…» Le banquier Thomas Mayer renchérit: «Toute notre économie est basée sur une organisation monétaire qui est vouée à l’échec. Il faut un nouveau système monétaire qui réduise le pouvoir des banques.»

L’initiative Monnaie Pleine (www.initiative-monnaie-pleine.ch) propose une solution simple, facile à mettre en place et réalisable en Suisse, indépendamment de ce que font les autres pays.

Notes[+]

Opinions Agora Christoph Meier

Connexion