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Le droit fondamental à se loger

SANS-ABRIS • Le collectif «La Genève escamotée», qui milite pour le droit au logement pour tousLire Le Courrier du 3 avril 2014., estime que le logement d’urgence doit être repensé comme point de départ d’un processus menant à l’autonomisation.

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DOMINIQUE FROIDEVAUX*
Depuis plus d’une année, le collectif «La Genève escamotée» a choisi comme priorité n° 1 la question du logement. La multiplication des sans-abris dans notre canton a rendu cette problématique incontournable: entre 400 et 1000 personnes doivent se contenter de la rue ou d’un toit précaire. Il est urgent d’agir. Et de réfléchir à comment mieux agir! L’accueil inconditionnel s’impose face à l’urgence. On ne saurait oublier que c’est une responsabilité inscrite dans la Constitution fédérale (art. 12): en cas de situation de détresse, quiconque a droit à une aide pour se nourrir, se vêtir, trouver un toit.

Le problème majeur dans les dispositifs genevois en matière d’hébergement est lié au peu de places disponibles et à la durée d’utilisation limitée qui est imposée de manière à ne pas inciter les bénéficiaires à s’installer dans les lieux d’accueil d’urgence. Or, grand paradoxe, les professionnels de terrain constatent que c’est l’inverse qui se produit: plus on restreint la durée de l’accueil, moins grandes sont les chances des bénéficiaires de se relever d’une passe difficile. Pourquoi? Parce qu’il manque du temps pour mettre en place un accompagnement efficace. Parce que les dispositifs ouverts vers la réintégration au sortir de l’urgence font défaut. Parce que, surtout, les sans-abris sont ainsi condamnés à courir d’un lieu à l’autre pour trouver à manger ou dormir. En vivant une insécurité toujours plus grande. Le circuit actuel va donc encore trop souvent de la rue à la rue, après de brèves parenthèses. Peut-on décemment continuer ainsi?

Il importe d’assurer un toit facilement accessible toute l’année pour les sans-abris car les risques d’une vie à la rue persistent été comme hiver. C’est ce que demandent diverses motions déposées récemment au Conseil municipal de la Ville de Genève et au Grand Conseil cantonal. Mais le collectif de «la Genève escamotée» entend aussi promouvoir une vision d’ensemble du droit fondamental à se loger. Dans cette perspective, il est nécessaire de repenser le logement d’urgence comme point de départ d’un processus visant à soutenir les personnes concernées dans leur aspiration à retrouver leur autonomie. Pour ce faire, il convient de renforcer les dispositifs passerelles qui ouvrent sur autre chose que la rue et sont couplés à des accompagnements appropriés à chaque situation.
Et l’on ne fera pas l’économie d’une véritable stratégie de lutte contre la paupérisation et la précarisation croissante de manière à enrayer les facteurs multiples qui peuvent mener certains de nos semblables à la rue. Il faut donc aussi prévenir le risque de perdre son logement et construire davantage de logements sociaux pour élargir l’offre dans ce domaine. Faute de quoi Genève paiera le prix fort plus tard, en termes de détérioration de la cohésion sociale. Tout le monde est concerné par cet enjeu.

* Directeur de Caritas Genève.

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