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Les mauvaises recettes de l’initiative «Halte à la surpopulation»

RESSOURCES • Les mesures proposées par l’initiative Ecocop – balayée mercredi au Conseil des Etats – ne résoudront rien, prévient le conseiller aux Etats Robert Cramer. Qui préconise des alternatives telles que la réduction de l’empreinte écologique.

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Que l’initiative «Halte à la surpopulation – oui à la préservation durable des ressources naturelles» soit totalement inadéquate par rapport à son but affiché est facile à démontrer. On rappellera que le but de l’initiative est que la population résidant en Suisse ne dépasse pas un niveau qui soit compatible avec la préservation durable des ressources naturelles. Les mesures consistent à éviter que le solde migratoire soit supérieur à 0,2% par an et à financer, dans le cadre de la coopération internationale, des mesures de planification familiale.

Ces mesures sont toutes deux largement inefficaces. Si l’on considère que la population suisse est actuellement d’environ 8 millions de personnes et que l’empreinte écologique de notre pays, c’est-à-dire le nombre de planètes nécessaires si la consommation des résidents de la terre correspondait à celle de la Suisse, est de 3 (voire 4 selon les initiants), ce n’est pas un solde migratoire positif qu’il faudrait admettre mais une baisse drastique de la population dans notre pays. Or l’initiative ne propose pas de diminuer la population suisse de 5 ou 6 millions de personnes mais de l’augmenter de 15 000 personnes par an (qui elles-mêmes auront une empreinte écologique affectée d’un facteur de 3 à 4).

En d’autres termes, le problème ne réside pas tant dans la migration, mais dans la façon dont on consomme l’espace, la matière, l’énergie et, de façon générale, les ressources naturelles. On peut ajouter à cela que les personnes qui n’auraient pas la possibilité de résider en Suisse en cas d’acceptation de l’initiative continueront à gaspiller des ressources à l’étranger; ce qui, dans le système que représente notre biosphère, a également un impact sur la préservation de nos ressources naturelles.

Quant aux mesures de planification familiale, indépendamment du fait que les moyens affectés à cette fin pour l’initiative sont dérisoires à l’échelle de la planète, on en connaît tout à la fois les abus et l’inefficacité.

Alors que faire? Tout d’abord, et de toute urgence, réduire notre empreinte écologique. C’est ce que propose l’initiative pour une économie durable et fondée sur la gestion efficiente des ressources (économie verte) actuellement examinée par le parlement. Cette initiative, par différentes mesures portant sur nos façons de consommer, vise à réduire notre empreinte écologique à 1 d’ici à 2050. Il faut aussi, et dans le même temps, se montrer rigoureux en matière d’aménagement du territoire, c’est la seule façon de préserver les paysages et les espaces naturels, préoccupation sous-jacente de l’initiative.

Une plus grande densité d’habitations, moins de lotissements, une agriculture moins intensive, voilà les moyens de préserver durablement les ressources naturelles. Et s’agissant de la coopération au développement, mettons l’accent sur l’éducation des fillettes et des jeunes femmes, améliorons le niveau de vie. C’est la recette la plus efficace pour diminuer la démographie.

Voilà les propositions réalistes, mais surtout humanistes et solidaires d’une écologie politique qui considère que l’engagement politique est un engagement social portant sur l’art de vivre ensemble.

* Vice-président des Verts suisses, conseiller aux Etats, Genève.

Opinions Agora Robert Cramer

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