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La réclusion à vie, une alternative à la peine capitale?

DROITS HUMAINS • Se référant à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Alain Bovard, d’Amnesty International Suisse, relève que le principe de la réclusion à vie doit s’assortir d’une possibilité de demande de libération anticipée.  

Dans un arrêt définitif rendu contre le Royaume-Uni par son instance suprême la Grande Chambre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a assimilé à un «traitement inhumain» les peines incompressibles de prison à perpétuité. Elle a souligné que toute condamnation à la prison à vie devait être assortie d’un mécanisme permettant au détenu concerné de demander sa libération, ou au moins un réexamen de son cas, au bout d’un certain temps, par exemple vingt-cinq ans.

Cette décision est importante dans le cadre des discussions autour des sanctions alternatives à la peine de mort pour les crimes les plus graves. Elle implique que la peine habituellement substituée à la peine capitale dans les Etats abolitionnistes, soit la détention à vie sans possibilité de libération, est contraire aux droits humains et ne peut donc être prononcée. La décision de la CEDH ne doit pas pour autant être interprétée comme «la moindre perspective de libération immédiate» pour les détenus, précise l’arrêt. Cette question doit notamment être examinée au regard de leur dangerosité supposée, un aspect sur lequel les juges européens ne se sont pas penchés. Mais tout comme dans des cas d’internement à vie, que nous connaissons maintenant en Suisse, le détenu doit se voir garantir un mécanisme lui permettant de demander sa remise en liberté après un certain temps.

L’autre enjeu lié à la réclusion à vie consiste à savoir si elle constitue une alternative admissible à la peine de mort. Si l’on peut admettre que, dans les pays du Nord, les prisons offrent des conditions de vie, d’hygiène et de sécurité acceptables, qu’en est-il dans certains Etats africains ou latino-américains? En RDC ou au Salvador, les criminels vivent le plus souvent dans des conditions d’hygiène déplorables, dans des cellules surpeuplées à l’extrême et dans des établissements dans lesquels les détenus sont organisés en «gangs» qui se partagent, parfois avec la complicité des gardiens, le pouvoir et le territoire. Dans ces conditions, leur espérance de vie est réduite. Dès lors, la sanction n’est-elle pas finalement une autre forme de peine capitale, perverse, puisque les détenus sont condamnés à mourir à petit feu?

Aux Etats-Unis, divers rapports publiés ces dernières années montrent que les juges ont tendance à prononcer de plus en plus souvent de très longues peines d’emprisonnement, ceci même dans les Etats où la peine de mort n’a pas été abolie. Or les conditions de détention sont loin d’être optimales. Près de 30 000 détenus se sont mis récemment en grève de la faim en guise de protestation contre les détentions à l’isolement qui durent parfois des années. Et divers droits fondamentaux des détenus, dont celui pour les personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité et dignité, sont régulièrement bafoués.

La réclusion à vie ne doit pas être une forme différée de peine capitale. Pour être une vraie sanction alternative, elle doit, comme l’ont confirmé les juges de Strasbourg, être assortie d’une possibilité de demander une libération anticipée après un certain temps, même long, et elle doit se dérouler dans des conditions qui respectent la dignité auquel tout être humain, même le pire des criminels, a droit.
 

* Juriste à Amnesty International – section suisse.

Opinions Agora Alain Bovard

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