Égalité

Les mots pour la dire

8 mars, Journée des femmes, La Courrier s’écrit autrement. C’est simple: l’égalité des droits passe par la visibilité, la visibilité par le langage. Celle qui n’est pas nommée n’existe pas. Pour interroger les rapports de genre cachés dans la langue, nous avons décidé d’adopter dans cette édition le féminin universel. Comment cela fonctionne-t-il? Quand le masculin pluriel ne concerne que des hommes, nous n’avons rien à redire à la grammaire française et nous gardons le masculin. Quand le pluriel évoque hommes ET femmes, il devient féminin. De la première à la dernière page, citations comprises.

Des variantes de langage épicène, il y en a d’autres. Nous avons préféré celle-ci, à la fois élégante et révélatrice. Elle bouscule nos a priori et court-circuite nos schémas de pensée. Elle rectifie aussi la machiste décision de Louis XIV, qui rappelle à elle seule combien la langue peut être tombeau ou trésor: convaincu que les femmes sont moins nobles et forcément subordonnées aux hommes, le roi soleil (privé de majuscules, pour le coup) a décidé d’imposer ce masculin générique qui engloutit les femmes depuis le XVIIe siècle. Indolores, les conventions grammaticales? Celle-ci repose en tout cas sur une conviction qui sous-tend aujourd’hui encore bien des inégalités.
Le langage est un code mais il n’est pas le seul. Notre dossier s’est donc intéressé à quelques-uns d’entre eux. Le système des noms de famille en Suisse et ailleurs; la virilité divine; le corps parlant des Femen et des actrices de cinéma; un nouveau pronom instauré en Suède…

Avant de surprendre ou d’agacer nos lectrices – lecteur, lecteur, on ne lâche pas la lecture, comme le font depuis l’enfance les lectrices virilisées… –, l’expérience a agité nos propres neurones. C’était gai et révélateur. Pour preuve, les exclamations fusaient hier à la rédaction. «C’est tellement bizarre que, du coup, je réécris pour éviter le féminin», avoue l’un. «On va vraiment parler des ‘Sœurs musulmanes’? Au fait, il y en a dans ce mouvement?» s’inquiète l’une. «Ça m’oblige à être imprécis!» peste un troisième – tiens? Comme avec le masculin générique, tu veux dire? – «Avec les fautes d’orthographe qu’on fait déjà, nos lectrices vont y perdre leur latin», s’amuse une autre. Au terme de l’exercice, certaines (générique pluriel incluant les hommes, dans cette édition) ont presque été déçues que ces textes – appliquant aussi les autres règles épicènes – ne «choquent» pas plus. C’est que le langage épicène ne réinvente pas le français: ces règles sont juste celles du respect des genres. Et le respect, ça ne se remarque que quand on en manque.

Opinions Société Égalité Édito Dominique Hartmann

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Dossier spécial Journée des femmes

jeudi 7 mars 2013
Vendredi 8 mars, Le Courrier change de sexe et devient La Courrier !   Un journal tout au féminin, de la première à la dernière page, un pari impossible à tenir? Notre quotidien tente...

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