Chroniques

Sur les traces des fées-ministes

POLYPHONIE AUTOUR DE L’ÉGALITÉ
Carole Roussopoulos

Pour cette première chronique, nous souhaitons planter le décor. Bien que nouvelles venues, nous nous inscrivons dans la continuité de celle qui nous a précédées«Variations sur l’égalité» de Magdalena Rosende.. «Polyphonie autour de l’égalité» poursuit d’ailleurs la métaphore musicale pour proposer réflexions et considérations sur l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi pour partager plus largement questionnements et coups de gueule sur les rapports entre les sexes.

Une variation de taille cependant: nous écrivons à quatre mains. Cela nous laissera quelques libertés d’écriture, et nous serons tantôt cosignataires, débattrices, parfois contradictrices. Cela sera l’occasion de montrer la richesse du débat féministe, ses multiples facettes et surtout son actualité. En effet, peu de questions sont résolues de façon définitive, des courants différents font entendre leur voix, les acquis de haute lutte peuvent à tout moment être remis en question, aussi des voix plurielles pour en témoigner sont-elles nécessaires.

Notre signature «Miso et Maso» nous inscrit dans une certaine tradition. Nous rendons ainsi hommage au film Maso et Miso vont en bateau réalisé par un collectif féministe, les Insoumuses, dont faisaient notamment partie Carole Roussopoulos, cinéaste, et Delphine Seyrig, actrice. Sorti en 1976, ce film parodie une émission de la télévision française intitulée «Encore un jour et l’année de la femme, ouf! c’est fini». Sur le plateau, une brochette de personnalités masculines et la secrétaire d’Etat à la condition féminine d’alors, Françoise Giroud, réuni-e-s sous la houlette de Bernard Pivot. Les invité-e-s rivalisent de machisme et de «bons mots», et Françoise Giroud s’embourbe dans une stratégie de l’alliance, commençant à rire aux plaisanteries sexistes, à surenchérir sur les propos misogynes, pour finir par couler complètement. Le film des Insoumuses relève chaque glissement en intercalant entre les séquences des commentaires griffonnés à la craie sur un tableau noir sur le mode des intertitres du cinéma muet. Elles dénoncent ainsi un certain féminisme institutionnel dont la stratégie a souvent consisté à présenter un visage inoffensif, finissant parfois, malheureusement, par faire le jeu de la domination masculine. Le collectif féministe ose la critique, y compris de celles qui sont les représentantes officielles de l’égalité, sans se laisser piéger par la peur de faire le jeu des opposant-e-s. Peur qui a contraint tant de militant-e-s au silence depuis. Enfin et surtout, elles se donnent une liberté de ton et de forme que l’on ne peut qu’envier aujourd’hui.

Nous ne sommes plus en 1976, le contexte a changé. Certains acquis ont été obtenus, d’autres, nombreux, restent à être gagnés. L’impertinence et la liberté de ton ne sont plus de mise, les combats ressemblent plus souvent à des batailles défensives, mais nous espérons pouvoir retrouver de temps à autre cette insouciance et cette irrévérence dans la revendication, à l’instar de certains slogans d’alors: «Femmes et chiens, même combat: ne pas être sifflées dans la rue!»
Au vu de certaines brèves de la presse gratuite, entre le premier «Barbie bar» et les études sur la baisse de libido des hommes effectuant les tâches domestiques, nous sommes certaines que nous ne manquerons jamais d’inspiration…

* Investigatrices en études genre.

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