Édito

Froid bipolaire

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Vladimir Poutine, et le général russe Valery Gerasimov, lors d'une réunion du conseil du ministère russe de la Défense avec une carte militaire montrant le déploiement présumé d'entrepreneurs militaires privés américains dans l'est de l'Ukraine, le 21 décembre 2021. KEYSTONE
Russie-Ukraine

Exactement trente ans après la disparition de l’Union soviétique, les répliques de ce séisme marquent de façon inquiétante ce début d’année 2022. Tandis que le régime toujours post-stalinien du Kazakhstan balaye une insurrection populaire avec l’aide de Moscou, l’avancée de l’Ukraine vers l’OTAN met à nouveau la région sous haute tension. Au point que la troisième rencontre du point de contact genevois entre les Etats-Unis et la Russie, lundi, a focalisé l’attention internationale.

Il est heureux que ce canal de discussion ouvert en juin dernier par la Suisse existe (lire notre édition du 16 juin 2021) Il ne faut toutefois pas trop en attendre. Le but de la rencontre était d’éviter des malentendus funestes, d’afficher des positions de principe, pas de régler un conflit enkysté. Depuis l’intervention de l’alliance militaire occidentale en 1999 chez l’allié serbe, la Russie tente d’endiguer par tous les moyens l’influence de l’OTAN dans l’est de l’Europe. Une dizaine de pays ont pourtant rejoint, depuis, le glacis occidental, jusqu’à ce que cette nouvelle guerre froide ne devienne brûlante, dès 2008, en Géorgie puis en Ukraine.

On peut regretter l’absence de Kiev aux discussions de Genève, mais rappelons que l’Ukraine est un pays divisé, en guerre civile entre un Est russophone aux mains des annexionnistes et un Ouest tourné vers l’Europe et tenu par des nationalistes peu respectueux de leur minorité. Et la réunion de lundi n’avait pas vocation à régler le sort institutionnel des Ukrainien·nes. Un espace de négociation, autour du Protocole de Minsk sous l’égide de l’OSCE, existe déjà, mais traverse une crise profonde, notamment en raison du rejet par Kiev des demandes d’autonomie des zones rebelles.

La polarisation croissante entre les pôles sino-russe et occidental est la conséquence logique de la politique très atlantiste de Joe Biden mais elle fait aussi le jeu de Vladimir Poutine, dont le régime de plus en plus autoritaire trouve là un exutoire international. Loin de la puissance économique chinoise, mais surarmée, la Russie voit dans les tensions sécuritaires un terrain propice à son influence.

Pour les peuples, cette bipolarisation géopolitique de plus en plus agressive est un poison, instillé crise après crise. Tiraillé·es entre les deux Blocs, comment les Ukrainien·nes trouveront-ils·elles le chemin du dialogue et du compromis? L’Europe aurait pu choisir de faire le balancier, mais ce n’est pas dans son ADN. Quant à l’ONU, elle est ici paralysée par son architecture héritée de la guerre froide.

Aux abords de la Russie comme en Amérique latine, la moindre velléité d’indépendance, le simple désir de démocratie et de justice sociale continueront donc d’être combattus – par la répression et/ou la déstabilisation – au nom des intérêts et de la stabilité de chaque Bloc. Les Kazakh·es, après les Bélarusses, viennent d’en faire les frais. L’Amérique latine subit cela sans interruption depuis deux siècles

Opinions Édito Benito Perez Russie-Ukraine

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