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Dublin: un bilan honteux

Dublin: un bilan honteux
La Confédération renvoie 4,5 fois plus de personnes vers d’autres Etats Dublin qu’elle n’en a accueillis, dénoncent les organisations d’aide aux migrants. KEYSTONE
Asile

Dix ans après l’entrée en vigueur du règlement Dublin en Suisse, le bilan est catastrophique en termes de politique et d’accueil humanitaires. Pour ne pas dire honteux.

Les associations actives dans la défense des réfugiés tirent la sonnette d’alarme. La Suisse fait en effet partie des «champions» de l’application aveugle de cet accord concernant les renvois. Cela alors même que le territoire helvétique reçoit très peu de demandes en comparaison européenne et qu’il se trouve, par sa situation géographique – et aussi via la fermeture de certaines ambassades –, largement exempté du devoir d’accueil. Ledit règlement permet de renvoyer les requérants vers le premier pays membre où ils ont posé le pied. Faisant ainsi peser le poids de l’accueil sur les pays d’entrée du continent, souvent côtiers. L’accord possède cependant une clause de dérogation. De par sa tradition humanitaire, régulièrement revendiquée, la Suisse aurait pu choisir d’en faire un véritable usage. C’est tout le contraire. Les chiffres sont parlants: la Confédération renvoie 4,5 fois plus de personnes vers d’autres Etats Dublin qu’elle n’en a accueillis, dénoncent les organisations d’aide aux migrants1>Amnesty International Suisse, Organisation suisse d’aide aux réfugiés(OSAR), Solidarité sans frontières(SOSF), Solidarité Tattes, Collectif R, Droit de rester Neuchâtel..

Ces dernières ne cessent de recenser – et de contester – des cas de renvois dramatiques: des femmes enceintes, des personne malades, fragiles, ayant été victimes de tortures, ou encore des séparations de famille. Sans grand succès. Malgré une importante mobilisation de la société civile – 33 000 personnes et 200 organisations ont signé un Appel en novembre 2017 –, Berne n’a jamais modifié sa ligne. Et difficile d’imaginer un changement de cap de la part de la toute nouvelle cheffe du Département de justice et police, la PLR Karin Keller-Sutter, connue pour sa politique dure en matière d’asile au gouvernement st-gallois.

La situation le réclame pourtant, notamment de l’autre côté des Alpes, où la Suisse renvoie de très nombreux requérants. Les conditions d’accueil en Italie sont souvent très précaires, depuis de nombreuses années. Mais l’arrivée au pouvoir, cet été, de la coalition entre populistes et extrême droite n’a fait qu’empirer les choses, notamment au travers du décret Salvini, adopté en octobre. A tel point que les Pays-Bas, par exemple, ont stoppé les renvois vers la péninsule.

Il est urgent que la Suisse change de politique. Qu’elle ne renvoie plus vers l’Italie et qu’elle accueille davantage de demandeurs d’asile vulnérables. Au regard de la réalité européenne et mondiale d’abord. Mais aussi par respect des principes fondamentaux que sont le devoir de solidarité et l’accueil humanitaire.

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