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Madagascar et l’écologie

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Isolée de l’Afrique depuis plus de quatre-vingts millions d’années, l’île de Madagascar présentait une diversité animale et végétale unique et bien connue, doublée de la grande richesse des eaux coralliennes ou profondes de l’océan Indien qui l’entoure. Peuplée surtout par des navigateurs malayo-polynésiens, elle a gardé longtemps une biodiversité exceptionnelle que les premières incursions humaines n’avaient sans doute que peu réduite. Mais aujourd’hui, la conjonction de l’augmentation de la population, de la pauvreté, du changement climatique et surtout de la prédation de ses ressources par les grandes puissances halieutiques, agricoles et minières s’ajoute à leur exploitation locale, de moins en moins durable.

Tandis que, comme dans le reste de l’Afrique et du monde, des terres agricoles précieuses pour l’autosuffisance de la population sont concédées à la Chine ou consacrées à des cultures d’exportation, un déboisement abusif, pour le bois ou par le feu, détruit rapidement les écosystèmes locaux, qu’il s’agisse de la faune et de la flore uniques, ou de la désertification de zones jadis cultivables. Le tout, aggravé par le réchauffement climatique, provoque des famines terribles dans le sud de l’île.

La pêche industrielle étrangère, le plus souvent irrespectueuse des zones exclusives et des lois locales et internationales, ravage une mer autrefois parmi les plus riches du monde. Avide de requins, pour leurs seuls ailerons, d’holothuries, de thons et de poissons blancs remarquables, elle détruit les populations des espèces recherchées, mais aussi de nombreuses autres, victimes collatérales de méthodes de capture aussi ravageuses qu’efficaces et peu sélectives. Les pêcheurs locaux, avec leurs pirogues à balancier, leurs harpons et leurs petits filets, se contenteront des restes, s’il y en a, de filets dérivants kilométriques et de dragues qui labourent et dévastent des fonds fragiles.

Et il y aurait encore tant à dire des mines, de l’eau, des hydrocarbures ou de projets d’«aménagement» touristique! N’a-t-il pas été question d’importer des espèces de grands mammifères africains pour que les touristes retrouvent sur place les personnages du remarquable dessin animé Madagascar? En attendant peut-être d’enseigner la musique techno au dernier des lémuriens…

Comme souvent sur la Terre, Madagascar combine les merveilles d’une nature riche et l’inaptitude des humains à les respecter et à les exploiter sans les détruire. Le mépris et la cupidité des Etats puissants et des compagnies capitalistes internationales dépouillent brutalement les populations pauvres de leurs seules richesses naturelles pour des profits immédiats non durables et l’accroissement d’inégalités chaque jour plus scandaleuses.

Le même scénario se répète partout, de Bornéo au Congo ou bien en Amazonie. A l’échelle continentale, l’Afrique, l’Asie et l’Océanie répètent ce qui s’était produit en Amérique et en Europe depuis deux siècles, mais sans nouveaux espaces à coloniser et à conquérir. Les îles ne sont malheureusement plus isolées et subissent en direct les conséquences des méfaits chaque jour plus graves d’une mondialisation irresponsable et calamiteuse. Elle précipitera des Malgaches, comme tant d’autres, sur les routes de l’émigration, rêvant de supposés paradis riches sans prévoir leurs cortèges de désillusions, de murs, de polices et de haine des autochtones.

Tandis que sur place, les touristes riches profitent des restes du paradis dont ils rêvaient, de la culture, des sourires et de la gentillesse traditionnelle des populations locales. Tant, du moins, qu’il y a la paix, du pétrole, de l’électricité, et si possible le wifi! Les rêves se croisent, mais leurs issues sont bien différentes, comme leur mise en œuvre. Les humains d’ici et d’ailleurs, qui ont été capables autrefois de tant de réalisations séculaires et collectives, se révèlent aujourd’hui incapables d’envisager ensemble un projet possible pour seulement leurs petits-enfants. C’est le «progrès»…

Dédé-la-science, notre chroniqueur énervant

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lundi 8 janvier 2018

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