Chroniques

2016, une année de backlash inquiétante

POLYPHONIE AUTOUR DE L’ÉGALITÉ

Le début d’une nouvelle année rime avec horoscopes et calendriers d’événements à venir. La nouvelle année sonne également l’heure des bilans heureux et malheureux. A notre tour de tenter l’exercice et de nous prêter à un rapide bilan féministe de 2016.

L’année qui vient de s’écouler mérite un arrêt sur image tant certaines manifestations et propos entendus sont inquiétants pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais surtout, plus préoccupantes sont les attaques contre des droits chèrement acquis. Qu’elles proviennent des milieux religieux ou des partis politiques conservateurs, dont la progression est avérée partout dans le monde, ou de partis dits progressistes qui abandonnent certains acquis. Ces attaques touchent différents domaines, les droits sexuels et reproductifs, l’accès des femmes à la scolarisation ainsi que l’accès au pouvoir politique et économique.

2016 a débuté avec les agressions à l’encontre de femmes durant le réveillon du jour de l’an en Allemagne. Ces agressions très (et souvent mal) médiatisées ont ainsi rappelé combien la présence féminine dans l’espace public soulève des résistances et font écho au harcèlement de rue dont sont l’objet de nombreuses femmes, indépendamment de leur âge, de leur nationalité, comme l’a montré une récente enquête menée à Lausanne.

L’année a ensuite été marquée par une campagne électorale aux Etats-Unis jalonnée de propos sexistes, racistes et homophobes. Difficile de penser que les propos de Donald Trump n’aient pas de répercussion sur la population, les jeunes en particulier. Le modèle de relations entre les femmes et les hommes qu’il propose remet sérieusement en cause les avancées réalisées péniblement au cours des dernières années. Moins symbolique est la composition de son gouvernement constitué d’antiféministes opposé-e-s à l’avortement et aux droits des femmes notamment.

2016 a également vu l’organisation en France de différentes manifestations du collectif d’associations connu sous le nom de «la manif pour tous». Incarnant une droite réactionnaire décomplexée, souvent proche des milieux catholiques, il refuse les projets d’union civile pour les homosexuel-le-s, la légalisation de la gestation pour autrui, voire la procréation médicalement assistée, les apports des études genre, discrédités sous le label de la «théorie-du-genre». Loin d’être minoritaire, «la manif pour tous» a réuni, en octobre dernier, plus de 20 000 personnes dans les rues de Paris…

En Suisse, l’année a été marquée par des propos extrêmes à l’encontre du féminisme et de l’égalité. En mai dernier, un document de travail de l’UDC vaudoise accusait le féminisme d’être responsable de l’augmentation des avortements et de l’épanouissement des femmes hors du cadre familial. Certes, le parti a fait marche arrière suite aux nombreuses critiques internes et externes. Mais cela n’a pas empêché certains de ses membres éminents de s’en prendre régulièrement au travail mené dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes et de reprendre à leur compte les attaques contre la «théorie-du-genre». En octobre dernier, une membre zurichoise de l’UDC a ainsi défendu le sursis lors d’une condamnation pour viol quand la victime, une femme, se montrait «naïve». Des propos qui rendent les femmes responsables des violences commises à leur encontre, réduisant leur droit à la liberté sexuelle et renforçant les stéréotypes selon lesquels les femmes seraient des aguicheuses et les hommes des êtres incapables de maîtrise de soi.

En 2016, la Loi sur l’égalité a fêté ses vingt ans. Difficile de se réjouir puisque les écarts salariaux entre femmes et hommes sont toujours en moyenne de 19%. Dès le 21 octobre, les femmes ont donc travaillé gratuitement. Des représentant-e-s patronaux ont même avancé qu’elles seraient responsables de ces écarts de rémunération. Cette opposition latente à un droit inscrit dans la Constitution et dans une loi montre à quel point il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier. Mais les attaques contre les acquis ne sont pas uniquement le fait des partis de droite et des milieux patronaux. Rappelons qu’en 2016, le parlement a très largement voté l’augmentation à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes. Une égalité par le bas en somme.

L’exercice du bilan féministe n’est pas très réjouissant. Ces sursauts antiféministes, souvent liés à l’avancée réelle ou supposée de l’égalité entre les femmes et les hommes, ont actuellement le vent en poupe et menacent fortement les générations à venir. Ce retour en arrière inquiétant, ce backlash, pour reprendre le terme de Susan Faludi, est un signal d’alarme. D’aucun-e-s appellent à la vigilance, voire à l’action… 2017 se doit donc d’être une année de mobilisation pour rappeler que les droits des femmes et le principe de l’égalité ne sauraient être piétinés. En 2017, battons-nous contre l’antiféminisme sous toutes ses formes.

* Investigatrices en études genre.

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