Chroniques

RIE III et l’emploi

(Re)penser l'économie

La campagne pour le vote sur le projet de baisse d’impôts massive en faveur des entreprises est axée, par les partisans de la «réforme», sur le risque de pertes d’emplois en cas de refus de la loi. Rappelons tout d’abord que ce projet, pour Genève par exemple, réduit le taux d’imposition des bénéfices de 24,2 % à 13,49 % pour toutes les entreprises au prétexte de ne plus accorder d’avantages fiscaux aux sociétés à statut spéciaux, notamment les transnationales installées en Suisse.

Mais il est certain que les autres mesures contenues dans la loi soumise au peuple entraînent une baisse encore plus substantielle du taux d’imposition réel: qu’il s’agisse des déductions pour les brevets, des frais de recherche et développement, de la possibilité de soustraire l’impôt sur le bénéfice de l’impôt sur le capital ou encore de la déduction des intérêts sur le capital propre.

On voit dans ce projet un pas significatif vers la suppression totale, à terme, de l’impôt sur les entreprises. Le chantage à l’emploi exercé sur les citoyens est-il pertinent et, si oui, quelles en seraient les conséquences effectives?

La droite fait l’équation suivante: pas de baisse d’impôt et toutes les transnationales quitteront la Suisse. Ce raisonnement ne tient aucun compte du fait que si ces entreprises viennent s’établir en Suisse, ce n’est pas d’abord pour des raisons fiscales. En effet elles disposent de suffisamment de moyens pour faire apparaître leurs bénéfices auprès des filiales de leur choix dans tel ou tel pays. Ce qui les intéresse, c’est la stabilité politique du pays, un bon niveau de sécurité, la qualification de la main-d’oeuvre, un cadre de vie agréable pour leurs dirigeants, des universités et des hautes écoles, un système bancaire performant et des infrastructures de haut niveau. Il est probable que la majorité de ces transnationales choisiront de rester en Suisse à cause de ces avantages.

Par ailleurs, ces entreprises n’ont pas attendu une modification de l’impôt sur le bénéfice pour licencier et provoquer des pertes d’emplois lorsqu’elles souhaitent augmenter leurs bénéfices. Il faut aussi souligner que beaucoup de ces sociétés, par exemple les sociétés de négoce, se sont installées à Genève en important avec elles des travailleurs et des emplois existants dans d’autres pays. Elles n’ont que peu créé de nouveaux postes de travail et sont, de par la nature de leurs activités, très volatiles. Un jour, elles se concentrent à Londres, quelques années plus tard à Genève, puis migrent vers Singapour. Elles ne correspondent pas à un développement économique endogène susceptible d’être plus durable.

Enfin – et c’est sans doute l’aspect le plus important en ce qui concerne l’emploi – la Suisse, et Genève en particulier, concentre un nombre d’emplois considérable au regard de la population en âge de travailler. De tous les pays de l’OCDE, la Suisse, avec un taux d’emploi de 80,6%, arrive en deuxième position, juste derrière l’Islande qui ne compte que 320 000 habitants. La moyenne de l’OCDE étant de 66,8 %.

Ce taux d’emploi particulièrement élevé oblige la Suisse à importer de la main-d’oeuvre pour satisfaire les besoins des entreprises. Le canton de Genève est le champion toute catégorie en matière d’emplois: il compte près de 304 000 emplois équivalents plein temps pour une population totale de plus de 490 000 habitants (enfants et retraités compris)! La population en âge de travailler (de 15 à 64 ans) s’élève à 290 000 personnes et, si l’on déduit les personnes non actives (étudiants, retraités, chômeurs, personnes ne souhaitant pas travailler) la population se chiffre alors à 219 000 personnes.

On le voit, le nombre d’emplois offerts est largement supérieur à celui des personnes actives disponibles, en sachant par ailleurs qu’il s’agit du nombre d’emplois équivalent plein temps. Ce n’est pas pour rien que 85 000 frontaliers traversent la frontière chaque jour et que près de 25 000 salariés font la navette quotidiennement en provenance d’autres cantons.

Il est donc malvenu de crier au loup sur le terrain de l’emploi. Si des entreprises devaient quitter le canton de Genève, ce ne serait pas la catastrophe. Nous arriverions à un taux d’emploi plus proche d’un rapport d’équilibre avec la population résidente active.

Enfin, présenter l’emploi créé par les transnationales uniquement en termes de bénéfice est réducteur. La venue de ces entreprises a aussi un coût en termes d’infrastructures, de marché du logement et de mobilité notamment. Et si le vote sur le RIE III était aussi l’occasion de rééquilibrer le tissu économique genevois?

* Membre de solidaritéS, ancien député.

Opinions Chroniques Bernard Clerc

Dossier Complet

Votations du 12 février 2017

mardi 13 septembre 2016
Naturalisation facilitée, fonds routier FORTA et troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III) figurent au menu des votations fédérales du 12 février 2017.

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lundi 8 janvier 2018

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