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Plaidoyer pour la sortie programmée du nucléaire

Se distanciant de la position de son parti, Jean-François Bouvier, président de la Commission Energie et Environnement du PLR-Genève, soutient l’initiative «Sortir du nucléaire», qui passe aux urnes le 27 novembre.
Votation

En 2011, l’accident survenu dans la centrale nucléaire de Fukushima a brusquement ravivé les craintes que nous avions toutes et tous pour ce mode de production d’électricité qui utilise du combustible radioactif. On connaît parfaitement bien les conséquences dramatiques d’un accident nucléaire mais on avait oublié depuis Tchernobyl que cela puisse encore arriver. Dès lors, le Conseil fédéral a réactivé les scénarios relatifs à une stratégie énergétique, sans le nucléaire, la stratégie 2050.

C’est dans ce contexte que l’initiative «Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire» a été déposée en 2012. La sécurité des centrales que nous exigeons tous à juste titre nécessite des investissements en milliards de francs et les exploitants n’ont plus le choix. Nous savons que le fonds financier pour le démantèlement inéluctable des centrales et le fonds de gestion des déchets radioactifs sont sous-dotés. Depuis 2014, en Europe, l’offre s’oriente durablement vers des niveaux de production électrique supérieurs à la demande. L’électricité, disponible massivement en Europe, est vendue pour 3-4 centimes le kWh, alors que les kWh nucléaires en Suisse reviennent à 6-7 ct/kWh – et encore, en ne comptant qu’une partie des charges financières!

En achetant transitoirement de l’électricité en Europe, la Suisse est libre de choisir le mode de production de cette électricité; elle peut acheter des kWh produits par des centrales photovoltaïques, hydrauliques, éoliennes, nucléaires, au charbon ou un mixte de toutes ces provenances. Il s’agit uniquement de faire un choix. Prolonger l’exploitation des vieilles centrales génère des prix de revient en augmentation, alors que le prix des kWh non nucléaires ne cesse de baisser. En 2013, pour des raisons purement économiques, BKW qui exploite la centrale nucléaire de Mühlberg a décidé d’arrêter sa centrale en 2019.

L’industrie helvétique n’a rien à craindre pour son approvisionnement car, sitôt l’initiative acceptée, la transition énergétique permettra la construction de dizaines de milliers d’installations de production décentralisées qui sont déjà prévues pour produire plus que les centrales nucléaires qui s’arrêteront après 45 ans d’exploitation. La Suisse améliorera sa compétitivité économique et créera des milliers d’emplois locaux tout en mettant fin au gouffre financier du nucléaire. Parler de la sécurité d’approvisionnement pour le nucléaire alors que le combustible provient du Kazakhstan, du Canada, de Russie, d’Australie, du Niger, de Namibie et d’Ouzbékistan est une contrevérité.

Rappelons que c’est nous tous, et nos industries exportatrices, qui devront payer les milliards nécessaires pour faire durer nos vieilles centrales nucléaires au-delà de 45 ans. Les comptes des exploitants nucléaires sont tous déficitaires depuis 2014 à hauteur de près de 500 millions/an. D’ailleurs, la menace d’une demande d’indemnisation financière brandie par les exploitants manque vraiment de sérieux; depuis quand indemnise-t-on des exploitations qui perdent de l’argent parce que leurs propriétaires ont suivi leurs business models erronés? Vendre notre patrimoine hydroélectrique tel que nos barrages n’y changera rien.

Aujourd’hui cela fait dix-huit mois que la centrale nucléaire de Beznau I est arrêtée et Leibstadt l’est aussi depuis trois mois et jusqu’en 2017, sans que cela ne perturbe en quoi que ce soit notre approvisionnement; 40% de la production nucléaire suisse arrêtée sans que cela ne pose de problème d’approvisionnement électrique. La peur d’une pénurie d’électricité est une menace clairement infondée et les centrales nucléaires de Leibstadt et Gösgen fonctionneront dans tous les cas jusqu’en 2024 et 2029.

C’est bien pour des raisons strictement économiques, en réorientant les investissements vers les énergies propres, renouvelables et moins chères qu’il faut organiser la sortie du nucléaire comme le demande l’initiative; la Californie, 6e puissance économique mondiale, vient de décider de mettre fin à sa production d’électricité nucléaire pour ces mêmes motifs. C’est comme cela que nous améliorerons notre compétitivité économique.

Pour nous libérer des risques d’accidents nucléaires, pour ne pas augmenter le volume de déchets radioactifs à surveiller (60 000 m3) pendant 150 000 ans, pour mettre fin aux pertes financières en milliards de francs dues à la production d’électricité nucléaire et pour les générations futurs, votons «oui» le 27 novembre, sans hésitation et en toute sérénité.
 

* Président de la Commission énergie et environnement du PLR-Genève.

Opinions Agora Jean-François Bouvier Votation

Dossier Complet

Votation «Sortir du nucléaire»

mercredi 12 octobre 2016
Les Suisses se sont prononcés le 27 novembre contre la limitation de la durée de vie des centrales en activité. Analyses, réactions, retour sur nos articles.

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