Chroniques

Le bal des hypocrites

AU PIED DU MUR

La mort de Shimon Peres a été l’occasion d’un immense festival d’hypocrisie. Que de louanges a-t-on pu entendre au cours de ces dernières semaines, alors que Peres a été presque toute sa vie le mal-aimé de la politique israélienne, objet récurrent de sarcasmes et souvent d’expressions de haine! Respecté à l’étranger, il a été moqué par l’opinion publique israélienne dès les années 1950, jusqu’à ce qu’il n’atteigne les 90 ans, âge auquel on a l’habitude de pardonner.

Dans ce festival de mensonges, la palme revient incontestablement au Premier ministre israélien: personne n’a eu de mots aussi durs contre Peres que Benjamin Netanyahou, qui était allé jusqu’à le traiter de criminel et avait appelé à le juger pour haute trahison. Si c’est finalement Rabin, et pas Peres, qui a été assassiné en 1995, c’est qu’à l’époque ce dernier n’était que ministre des Affaires étrangères. Pourtant c’est lui, et ceux qu’on a appelés les Peres Boys, qui ont été les vrais architectes des accords d’Oslo, et c’est pour ce rôle-là qu’il est aujourd’hui couvert de louanges par l’ensemble de la communauté internationale.

De droite à gauche, on n’entend que des compliments envers celui qu’on appelait pourtant, dans les années 1960, «la punaise qui a grimpé au sommet», et plus tard «l’infatigable intrigant» (dixit Yitzhak Rabin), celui qui a perdu toutes les élections auxquelles il s’est présenté, et n’a obtenu ses postes successifs qu’à l’issue de batailles d’appareil, le seul terrain sur lequel il excellait.

Les seuls qui ont refusé de participer à la mascarade ont été les députés de la Liste arabe unifiée. Ce qui, on s’en doute, leur a valu une volée de bois vert, surtout de la part de la gauche: «A un moment pareil, on ne fait pas de politique», ont-ils tous répété, la bouche en cœur. Parce que les éloges, sincères ou non, venus de toutes parts, n’étaient pas politiques? En particulier ce qui a été rabâché sur le rôle – indéniable – de Shimon Peres dans l’armement d’Israël, y compris, dit-on, nucléaire?

A l’opposé de l’attitude digne des représentants palestiniens à la Knesset, on aura remarqué la présence du président Mahmoud Abbas aux funérailles d’un de ceux qui auront fait le plus de mal aux Palestiniens, notamment à travers le sabordage d’un processus de paix – en soi problématique – où il avait réussi à les embarquer. La participation d’Abbas a d’ailleurs soulevé énormément de critiques parmi les Palestiniens, y compris dans son propre parti.

Alors, pour ne pas être pollué par toute l’hypocrisie qui entoure le cercueil de Shimon Peres, répétons ce qui a été dit et écrit des centaines de fois avant qu’on fasse de lui un second Mandela [en référence à l’hommage de Barack Obama]: Peres était un traître en série, un menteur patenté, un manipulateur hors pair, bref, un homme parfaitement infréquentable.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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