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La prière: une condition dangereuse!

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Vus de l’extérieur d’une religion, ses rituels, comme les prières, sont absurdes. Répéter de multiples fois les mêmes paroles pour être récompensé, sous peu ou après sa mort, par des êtres suprêmes qui se manifestent rarement de façon indiscutable ne semble pas réaliste. Toutefois, à la lueur de ce que nous savons et découvrons sur nos comportements, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi des foules impressionnantes ou des individus isolés, selon les cas, se livrent à de telles activités. Pascal avait compris que la répétition de la prière pouvait mener sur le chemin de la foi, même si, comme dans la chanson de Brassens, ça ne marche pas toujours. En termes plus scientifiques, la prière est un conditionnement par répétition d’un contenu que les circuits neuronaux mémorisent, intègrent et «taguent» comme récompense, si le conditionnement réussit, ce qui le renforce, ou punition s’il échoue. Le croyant qui prie espère une récompense, matérielle ou spirituelle, immédiate, différée ou imaginaire: une guérison, un accomplissement personnel ou les vierges du paradis. Croire à la récompense est déjà une récompense, d’autant plus que la prière est répétée, tant que la réalité ne la réfute pas, ou tant que le croyant, seul ou sous l’influence de tiers, trouve des alibis à l’absence de la récompense et au manque d’efficacité concrète de la prière. La prière venait facilement à bout des rhumes de ma grand-mère catholique, mais ramait contre son hypertension, son Alzheimer et mon athéisme!

Mais la prière a aussi un rôle bien plus dangereux: la soumission à l’autorité de chefs et/ou à une représentation personnelle fantasmatique de la divinité. Laquelle peut ordonner n’importe quoi en cas de délire psychiatrique ou de soumission extrême. Quand la prière est collective et dirigée, le croyant se soumet à celui qui la dirige, qu’il soit lui-même croyant, ou que ce soit un imposteur. Plus le rituel est compliqué, plus la soumission est contraignante. La manipulation des émotions est maximale dans les rituels collectifs complexes: la peur de ne pas faire le bon geste synchronisé, de se tromper dans le texte, ou de chanter faux; la récompense par les odeurs, la musique, la satisfaction du rituel bien accompli et de l’intégration sociale. Soumis au prétendu représentant de la divinité, le croyant écoute le prêche entre deux prières. Bien conditionné, il gobera n’importe quoi de cette voix divine interprétée par le prêcheur et relayée par de puissants haut-parleurs et émetteurs: le denier du culte, la manif pour tous, la guerre ou le djihad! La médiatisation de masse date de bien avant les techniques qui l’aggravent aujourd’hui.

On m’objectera sans doute que les croyants ne sont pas les seules victimes des manipulations médiatiques d’hier et d’aujourd’hui. Les militaires, les militants politiques, les fans de sports et de musique subissent des conditionnements aussi irrationnels et parfois aussi dangereux. Certains de leurs rituels de masse sont d’ailleurs très semblables aux manifestations religieuses, dont ils s’inspirent parfois. Ils utilisent les mêmes ficelles de conditionnement par la répétition, la récompense et la peur de la punition, l’exclusion sociale du groupe étant la sanction suprême.

Depuis la célèbre expérience de Milgram où de braves gens, soumis à l’autorité d’une blouse blanche, pensaient donner des chocs électriques dangereux ou mortels à un sujet humain, de multiples autres expériences ont montré avec quelle facilité la plupart d’entre nous peuvent se soumettre à n’importe quelle autorité ou rituel. Dans l’une d’elle, une patiente, qui attend pour une consultation, est entourée d’acteurs qui se lèvent, puis s’assoient, sans explication, quand une sonnette retentit. Au bout de peu d’essais, interloquée, elle se lève et s’assoit à son tour. Les acteurs disparaissent un à un, mais elle continue le rituel quand elle se retrouve seule, puis accompagnée par d’autres patients «naïfs». Qui se lèvent et s’assoient, comme à la messe!
 

*Chroniqueur énervant

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lundi 8 janvier 2018

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