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La Suisse, Etat hôte du Traité international sur le commerce des armes

Le Traité international sur le commerce des armes (TCA) tient sa conférence des Etats parties du 22 au 24 août à Genève. Une étape supplémentaire vers un contrôle sérieux du commerce des armes ou un pur exercice de style? s’inquiète Amnesty International Suisse.
Armement

Le commerce international d’armement est totalement hors de contrôle. Une prolifération anarchique des armes alimente les conflits partout dans le monde. Elle pousse des populations entières à fuir leurs maisons, elle entrave le développement économique et social et engendre de la pauvreté. Plus d’un demi-million de personnes sur les cinq continents meurent chaque année, victimes de la violence armée; la grande majorité hors des situations de guerre.

Amnesty International et une pléiade d’autres organisations non gouvernementales qui se sont battues pendant plus de vingt ans pour sa création ont célébré comme un succès historique l’adoption par les Nations Unies du Traité sur le commerce des armes (TCA) en 2013. Le TCA est finalement entré en force fin 2014, et les 87 Etats parties se rencontrent à Genève du 22 au 26 août, pour leur première conférence annuelle substantielle.

Ce n’est qu’à l’aune de sa mise en œuvre par les Etats que pourra se mesurer l’efficacité du TCA et que l’on pourra savoir s’il constitue effectivement une étape importante vers un contrôle sérieux du commerce des armes ou si, au contraire, il ne représente qu’un simple exercice de style. La Suisse, Etat hôte du traité, porte en ce domaine une responsabilité particulière, que le gouvernement comme la société civile doivent assumer.

Le TCA est le premier traité à fixer des normes contraignantes pour le contrôle du commerce global d’armes et de munitions. Il interdit tout transfert vers un pays déterminé lorsqu’il existe un risque important que les armes concernées soient utilisées pour commettre de graves violations des droits humains ou des crimes de guerre. Comme le souligne son préambule, le traité doit «contribuer à la paix, la sécurité et la stabilité internationales et régionales» et «réduire la souffrance humaine».

La Suisse a joué un rôle positif dans l’élaboration du TCA. Elle s’est engagée, sous l’égide du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), dans de difficiles négociations internationales dans le but d’aboutir à un texte qui soit «le plus solide et le plus efficace possible». Malheureusement, les développements au niveau national postérieurs à la ratification du TCA ont montré que les intérêts de l’industrie de l’armement ont vite repris le pas sur ceux de notre politique de paix.

Depuis la ratification du TCA, la Suisse a en effet affaibli à deux reprises ses contrôles sur les exportations de matériel de guerre. En mars 2014, le Parlement a validé un assouplissement de l’ordonnance sur le matériel de guerre et décidé que les entreprises suisses pourraient désormais, et à certaines conditions, exporter des armes vers des Etats dans lesquels les violations des droits humains sont graves et systématiques. Le Conseil fédéral, à fin avril 2016, s’est pour sa part lancé dans une interprétation pour le moins acrobatique de la même ordonnance pour pouvoir autoriser les exportations vers les Etats impliqués dans un conflit interne.

Assouplir les contrôles plutôt que les renforcer: c’est malheureusement la politique que la Suisse a adoptée, quitte à porter ainsi atteinte à l’image emblématique qu’elle devrait se donner en tant que pays hôte du TCA. A ce jour, 130 Etats ont signé le Traité sur le commerce des armes et 87 l’ont ratifié. Les gouvernements doivent maintenant démontrer qu’ils ont la volonté politique de le mettre en œuvre. La société civile doit, quant à elle, plus que jamais s’engager dans un accompagnement critique des négociations de Genève. Cela parait absolument nécessaire si l’on veut que le Traité sur le commerce des armes atteigne ses objectifs à long terme.

 

* Section suisse d’Amnesty International.

Opinions Agora Alain Bovard Armement

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