Chroniques

Donald Trump et la fin du «rêve américain»

Catherine Morand revient sur le succès du candidat républicain à la présidentielle étasunienne Donald Trump, l'homme «qui sait trouver les mots pour panser les plaies des laissés-pour-compte»

Quel que soit le résultat de la prochaine élection présidentielle aux États-Unis, le simple fait que Donald Trump soit le candidat officiel du Parti républicain – et qu’au gré des sondages, comme celui du 27 juillet, il soit annoncé vainqueur face à Hillary Clinton – incarne déjà parfaitement l’état dans lequel se trouvent aujourd’hui les États-Unis, et, partant, la fin du «rêve américain»: un pays qui compte des millions de laissés-pour-compte, privés d’accès à l’emploi, aux soins de santé, à l’éducation; une classe moyenne en capilotade; des salaires misérables qui ne permettent pas de (sur)vivre, des étudiants qui s’endettent à vie; des lobbies tout-puissants qui gangrènent jusqu’au cœur même d’une démocratie bien mal en point.

Les écarts entre super riches et salaires minables ont explosé

Le secret du succès de Donald Trump? Il sait trouver les mots qu’il faut pour panser les plaies des innombrables victimes de ce qu’il est convenu d’appeler «la mondialisation», ainsi que d’une dérégulation et d’une financiarisation excessives de l’économie; lesquelles ont fait exploser les écarts entre super riches et la grande masse de toutes celles et ceux qui triment sans relâche, pour des salaires minables, afin d’essayer de joindre les deux bouts.

C’est ainsi que durant sa campagne, le milliardaire Donal Trump a privilégié les innombrables petites villes en difficulté, certaines en faillite pour cause de surendettement, dont les populations sont privées des services publics les plus élémentaires. Il y a fustigé les étrangers, habituels boucs émissaires, en des termes racistes et xénophobes qui seraient condamnables sous d’autres cieux; et ce dans un contexte «d’angoisse identitaire» de la part d’une classe moyenne «blanche» qui craint de perdre encore le peu qui lui reste au profit des «minorités».

Des promesses d'emploi

Il a également promis de «rapatrier» aux États-Unis les entreprises qui, depuis plusieurs décennies, pour «maximiser» leurs profits, n’ont cessé de délocaliser leur production dans des régions où la main-d’œuvre est moins chère, et les contraintes environnementales moins contraignantes. Avec comme corollaire des millions d’emplois détruits, une économie qui ne fabrique plus rien et se contente d’acheminer et distribuer les biens de consommation les plus basiques, fabriqués en Chine et sous d’autres cieux.

Le magnat de l’immobilier est ainsi parvenu à séduire la «Rust Belt», littéralement la «ceinture de la rouille», nom donné à l’ancienne zone industrielle, située dans des États qui peinent à se reconstruire après avoir vu les fleurons de l’industrie américaine fermer les uns après les autres. Pour le reste de son discours, Donald Trump entonne les trompettes du cow-boy et acteur de série B Ronald Reagan, qui fut président des États-Unis de 1981 à 1989, en clamant «America is back» («L’Amérique est de retour») et en dénonçant le «déclinisme» des États-Unis. En répétant comme un mantra «L’Amérique d’abord», le milliardaire promet également de renoncer à faire la guerre partout, se mettant ainsi à dos le puissant lobby militaro-industriel.

Contribution à la crise des subprimes

L’homme «au teint orange et aux cheveux jaune paille» surfe donc à merveille sur l’air du temps ainsi que sur la nostalgie de l’Amérique «d’avant». Il n’est cependant pas à un paradoxe et à une provocation près. Pourtant très critique à l’égard des «hedge funds», Donald Trump a investi une partie de sa fortune dans trois des fonds d’investissement spéculatifs les plus célèbres. Protectionniste, il veut renoncer au «libre-échange», lequel représente pourtant, officiellement, l’ADN de l’économie américaine.

Anti-immigration, il veut poursuivre l’érection d’un mur sur toute la frontière sud du pays; or, l’économie américaine tire un immense profit de ces millions de travailleurs clandestins, payés au lance-pierres. Enfin, au travers sa société de prêts hypothécaires «Trump Mortgage LLC», Donald Trump avait lui aussi contribué à la «crise des subprimes». Or, parmi ses électeurs se trouvent de nombreuses victimes de la chute du marché immobilier américain, qui les avait mis sur la paille et jetés dans la rue.

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Catherine Morand est journaliste et travaille pour SWISSAID (l’opinion exprimée ne reflète pas nécessairement celle de SWISSAID).

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