Chroniques

Les civils israéliens paient l’addition

AU PIED DU MUR

A lire la presse étrangère, on a l’impression que les choses bougent autour de la question israélo-palestinienne. La France avait lancé l’idée d’une grande conférence internationale, Manuel Valls prenant même le temps, en pleine crise sociale, de venir à Tel-Aviv et à Ramallah pour exposer aux dirigeants locaux ce que la diplomatie française avait en tête. Le Premier ministre français avait reçu l’appui du secrétaire d’Etat étasunien John Kerry – un camouflet pour Netanyahou. Ce dernier a répondu fermement par la négative à son homologue français, affirmant que toute interférence internationale aurait des effets négatifs, et que seuls des pourparlers bilatéraux pouvaient faire avancer d’éventuelles négociations.1 value="1">Lire la chronique du 24 mai: «Israël dit ‘niet’ à une conférence internationale».

Si la situation dans les territoires occupés n’était pas si dramatique, on serait tenté d’en rire. Voilà près de dix ans que le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas attend vainement dans l’antichambre que Benjamin Netanyahou veuille bien commencer à faire des propositions préliminaires à de futures négociations. Le nouveau slogan de Netanyahou sur la nécessité de négociations bilatérales, directes et sans conditions préalables, n’a aucune signification pratique, si ce n’est de gagner encore du temps pour… poursuivre la colonisation de la Cisjordanie.

Pour écarter toute ambiguïté sur ses véritables intentions, Netanyahou a orchestré un remaniement ministériel: alors que le chef du Parti travailliste, Yitzhak Herzog, rampait vers la coalition d’extrême-droite, c’est Avigdor Lieberman – nommé ministre de la Défense – et sa petite formation «Israël est notre Demeure» qui ont été choisis. A côté de Lieberman, Netanyahou fait figure de colombe: le nouveau ministre de la Défense n’avait-il pas suggéré de détruire le barrage d’Assouan? De conditionner les droits civiques de la minorité palestinienne d’Israël à leur allégeance à Israël comme Etat juif? D’introduire la peine de mort pour les Palestiniens condamnés pour actes terroristes?

Cet ancien videur de boîte de nuit d’origine moldave, qui organisait des ratonnades contre les étudiants arabes, est depuis longtemps suspecté de liens avec la mafia russe, mais la disparition suspecte de témoins à charge lui a permis, jusqu’à aujourd’hui, d’éviter des poursuites. Lieberman sent le soufre, et c’est lui qui a maintenant la responsabilité du ministère le plus important du gouvernement d’extrême-droite de Benjamin Netanyahou et la gestion de plus d’un quart du budget national.

Lieberman aux commandes, voilà la réponse du gouvernement Netanyahou aux gesticulations diplomatiques de Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault. Et que font la France et l’Europe face à la réponse très peu diplomatique du gouvernement israélien à leurs propositions? Rien. Vexées, peut-être, mais rien de plus. Des sanctions? En aucun cas. Une dénonciation publique de la politique de colonisation? Il n’en est pas question.

Face à une impunité récurrente, le gouvernement d’extrême-droite peut poursuivre la politique de colonisation, et laisser les Palestiniens sans aucun horizon de libération et de souveraineté. Et ce sont les civils israéliens qui paient l’addition, comme l’a montré, une fois de plus, le dernier attentat de Tel-Aviv: ces victimes civiles sont les sacrifiés de la politique coloniale et de l’intransigeance du gouvernement israélien.

Notes[+]

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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