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Une initiative qui ne dit pas son nom

En tant que secrétaire générale de l’Association du personnel de la Confédération, Maria Bernasconi invite au rejet de l’initiative «En faveur du service public».
Votations du 5 juin

Le service public en Suisse? L’un des meilleurs au monde! Il s’agit d’une évidence, corroborée par de nombreuses études. Pourtant, la richesse créée par la fonction publique est souvent sous-évaluée. Les programmes d’austérité, les menaces de privatisation se succèdent et se ressemblent. L’Etat doit être light, il devrait même passer au «zéro» pour certains. Pour des raisons purement idéologiques puisque la quote-part de l’Etat de la Suisse est la moins élevée du monde. La preuve? La relation entre les dépenses de l’Etat et le PIB est de 31,5% pour la Suisse, de 49,5% pour les pays de l’UE, de 38,9% pour les Etats-Unis et de 42,8% pour le Japon1 value="1">Indicateurs des finances publiques, comparaison internationale 2013, OFS, encyclopédie statistique de la Suisse, 2015.

Comme si la pression sur les coûts ne suffisait pas, certains milieux de consommateurs (sans la Fédération romande des consommateurs) se montrent très critiques quant à la qualité de notre service public. Ils se font dans les faits les porte-paroles de tous les mécontents des prestations des grandes ex-régies fédérales. Il est vrai, tout n’est pas parfait, certains trains accusent du retard. Mais quel pays a un réseau ferroviaire aussi dense que le nôtre? Trop cher l’acheminement du courrier? Il est assuré sur tout le territoire suisse et au même prix, que ce soit dans une vallée reculée ou à Onex! La cohésion nationale est trop précieuse pour être bradée.

Un argument toutefois sur lequel je rejoins les initiants: les salaires élevés des «managers» dans les anciennes régies de la Confédération ne sont pas justifiables. Mais l’initiative demande à ce que les salaires de tous les employé-e-s des entreprises publiques soient fixés par le parlement. Aucun syndicat ne peut y souscrire; dans le contexte politique actuel, il ne peut y avoir de doute quant aux intentions de la droite du parlement sur l’évolution des revenus du personnel du service public: économiser et certainement pas au niveau des hauts salaires, soyez-en sûrs et certains!

Les initiants veulent aussi interdire à la Confédération et ses entreprises de poursuivre un but lucratif. Contrairement à son titre trompeur «En faveur du service public», l’initiative affaiblirait le service public en restreignant la marge de manœuvre des ex-régies fédérales et surtout, priverait la Confédération de millions de recettes (actuellement 800 millions). Conséquence: la mise en œuvre d’un programme d’économies supplémentaire qui toucherait notamment les dépenses non liées à des lois comme la formation et la recherche, la santé, le personnel fédéral (8% de tout le budget de la Confédération), l’agriculture et l’armée. A noter tout de même que ces deux derniers domaines ont des lobbies plus puissants que les étudiants, les familles et les malades!

Enfin, parlons de l’interdiction du système de financement croisé annoncé dans l’initiative. Que se passerait-il? Les domaines lucratifs (Postfinance par exemple) seraient séparés des prestations non rentables. Les premiers seraient privatisés et donc réorientées vers la maximisation des profits, car les bénéfices versés à des privés. Quant aux prestations déficitaires (par exemple la livraison du courrier dans la Vallée de Joux), elles resteraient la propriété de l’Etat qui devrait alors les financer uniquement par des recettes fiscales ou des taxes… ou bien les supprimer.

Le 5 juin prochain, glissez un «non» dans l’urne, pour le maintien du service public en Suisse!

Notes[+]

* Secrétaire générale de l’Association du personnel de la Confédération.

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