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Confirmons le vote sur le diagnostic préimplantatoire

À votre santé!

En juin 2015, le peuple suisse a accepté à une nette majorité la modification de la Constitution relative au diagnostic préimplantatoire (DPI). La loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA) modifiée, qui fait l’objet d’une votation du 5 juin prochain, n’autorisera le DPI que pour les couples porteurs d’une maladie héréditaire grave ou qui ne peuvent pas avoir d’enfant par voie naturelle. Le DPI restera interdit pour tous les autres couples. Douze embryons au maximum pourront être développés par traitement. Les embryons qui ne seront pas implantés immédiatement dans le corps de la femme pourront être congelés en vue d’un traitement ultérieur. En Suisse, il est possible de faire appel à la procréation médicalement assistée auprès de 25 à 30 centres reconnus et contrôlés.

Plutôt que de reprendre les arguments des uns et des autres, je voudrais raconter l’histoire glanée auprès d’une famille que je suis à mon cabinet et pour qui, finalement, la fécondation in vitro (FIV) a permis la naissance d’une belle petite fille.

Tout commence en 2010, au moment où ce couple cherche à fonder une famille. Quelques mois plus tard, une stérilité de la femme, par insuffisance hormonale compliquée, est diagnostiquée. Dès lors, et pendant trois ans, cette jeune femme va avoir recours à des stimulations hormonales, par pompe ou par injection (qu’il faut faire à heure fixe, plusieurs jours d’affilée) pour stimuler les ovaires à créer des ovocytes. Ces stimulations hormonales nécessitent des contrôles avec prises de sang tous les 2 à 3 jours dès le milieu du cycle théorique, et engendrent une attente difficile avant de savoir si un début de grossesse est constaté. Le couple vit tout ceci, sans succès… sauf une fois où l’embryon s’implantera au mauvais endroit, ce qui aboutira à ce qu’on appelle une grossesse extra-utérine qui, hélas, ne peut pas prospérer.

Les médecins décident alors d’associer à la stimulation hormonale une insémination artificielle; mais pour ce couple, une fois de plus, après quelques cycles, c’est l’échec, avec à chaque fois le téléphone du médecin qui annonce: «Désolé, Madame, Monsieur, mais…». Le couple envisage la FIV, qui n’est pas remboursée par l’assurance-maladie (et ne le sera toujours pas, si la modification de la LPMA est acceptée). Nouvelle stimulation des ovaires puis collection d’ovocytes et implantation de deux embryons (jamais plus, pour ne pas risquer d’avoir une grossesse de plus de deux enfants), sans pouvoir garder les autres par système de congélation. Avec à nouveau des échecs. Trois fois de suite, les médecins devront prélever des ovocytes pour finalement arriver à une grossesse qui débute!

Elle n’est heureusement pas multiple. Mais, il subsiste le doute d’une maladie chromosomique dont le diagnostic n’est possible qu’à 10-12 semaines de grossesse et engendre un risque non négligeable de fausse-couche. Le couple, au vu de son parcours difficile pour espérer avoir un enfant, y renonce. Durant toute la grossesse, il doit vivre avec le doute et l’angoisse de la responsabilité, dans leur choix opiniâtre d’avoir un enfant, de mettre au monde un bébé porteur d’une maladie chromosomique grave. Heureusement, il n’en est rien et cette petite fille a maintenant bientôt deux ans.

Voilà. C’est la réalité du parcours du combattant des quelque 15% de couples souffrant de stérilité. La nouvelle loi ne permet que d’en simplifier la dernière étape, lors de la FIV: en permettant de congeler douze embryons et en faisant un DPI à 5 jours, les médecins n’en implantent qu’un à la fois, tout en s’assurant que cet embryon ait, en tant que tel, toutes les chances de se développer – naturellement, un petit quart des ovocytes fécondés ne prospère pas au-delà du 5e jour. En cas d’échec, ce qui reste évidemment possible, ou en vue d’une grossesse ultérieure, il restera peut-être l’un ou l’autre embryon prêt à être implanté, ce qui évitera à ce couple – surtout à la femme – un nouveau chemin de croix… et permettra peut-être l’arrivée d’un deuxième enfant!

C’est cela le choix du 5 juin. Il est bon de comprendre encore que le DPI est une possibilité offerte aux couples stériles, à laquelle ils peuvent bien sûr renoncer. Refuser la LPMA modifiée, c’est aussi se poser en censeur d’un aspect de la vie qui est éminemment personnel et intime.

* Pédiatre FMH et président de Médecins du Monde Suisse.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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