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Pourquoi provoquer… et jusqu’où?

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Quel provocateur tu fais! Combien de fois ai-je entendu ce commentaire, en famille, avec des amis, dans mon métier ou dans ma recherche… Pendant longtemps, je ne comprenais guère: je ne faisais que dire ce que je pensais, ce qui me semblait exact, juste ou bien. Interroger ce que l’on me demandait d’accepter ou de mettre en œuvre sans jamais le justifier. Je m’insurgeais contre les bizarreries illogiques de la langue française, les accords irréguliers ou les cédilles absurdes, les conjugaisons insensées. Mais c’était comme ça, pas négociable, pour me fondre dans une société où c’était le moyen d’être compris de tous. L’absurde et le scandaleux nous agressent sans cesse, dans les réalités culturelles auxquelles on n’a pas été conditionné ou en politique. Il s’agissait pour moi des «horreurs» des opéras allemands, ou bien des inégalités croissantes dans un monde odieux qui fonce vers un avenir explosif et improbable. Du fait de notre incapacité à cadrer les comportements humains dans un futur possible. On peut répondre punk au sabordage de l’avenir comme à la musique en queue-de-pie. Comme, autrefois, on mettait du jazz, puis du rock, à fond, pour couvrir l’ennui des musiques parentales. A force de jouir de la provocation, on y prenait de plus en plus de plaisir, jusqu’à l’aimer avec passion! Encore faut-il garder en tête que nos goûts font le même effet à nos progénitures et qu’il est vain de faire semblant d’apprécier les leurs par démagogie. La tromperie ne résiste pas à leur volonté d’identification différente!

C’est un peu la même chose qui se produit dans les attitudes occidentales vis-à-vis de la nudité. Qui aurait imaginé que les enfants et petits enfants des soixante-huitards ou des hippies et flower people californiens reviendraient aux codes de la pudibonderie religieuse anglo-saxonne, ne serait-ce que pour avoir encore quelque chose à transgresser en cas de besoin? La transgression n’est pas à sens unique, comme l’a prouvé une expérience récente en Tunisie. Un «boulanger» complice refusait de servir et chassait de sa boutique une cliente-actrice. On filmait alors les réactions des autres clients, dans deux contextes. Dans le premier, la cliente portait un voile intégral et le «commerçant» lui reprochait de violer la loi. La semaine suivante, la même cliente était en minijupe – légale par défaut – et le commerçant l’accusait de violer ses sentiments religieux! Dans les deux cas, la clientèle était partagée, selon des critères inversés, et tout aussi passionnée pour en débattre…

Ce qui nous rappelle le drame quotidien de la confrontation de cultures qui n’ont pas été préparées pour coexister. Imaginez des cuisines séparées où des cuisiniers de tous les pays du monde auraient préparé chacun sa meilleure spécialité, avec les ingrédients de sa tradition. Et puis arrive le grand chef nouvelle cuisine de la mondialisation qui précipite et mélange tous leurs chefs-d’œuvre dans le grand mixer internet… Aucun doute, le résultat ne sera ni végétarien, ni hallal, ni casher, ni goûteux, à part peut-être pour quelques snobs aux neurones sensoriels déficients!

La mondialisation projette des libertés, légitimes chez nous, dans un monde qui, en majorité, les refuse. L’Occident s’est imaginé, à tort, que sa définition des droits humains et de la liberté de penser, écrire, créer, s’imposerait au monde comme la McDonaldisation, les ordinateurs ou les téléphones portables. Mais cette idée d’un minimum de droits imprescriptibles n’est pas partagée par la majorité des autres sociétés. Le simple spectacle de notre exercice de ces droits chez nous est insupportable à des religions et à des Etats contrôlés par la répression de la sexualité et de la libre expression des idées politiques et/ou philosophiques. Alors, dès que l’on s’exprime, ou simplement que l’on est ce que l’on est, on est le provocateur de quelqu’un d’autre. Mais les choses avancent, pour le meilleur et pour le pire…

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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