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Que lira-t-on demain?

Lisa Mazzone, conseillère nationale (Verts/GE), juge discriminants les propos tenus par l’avocat Marc Bonnant, qui s’exprimait sur l’achat conjoint d’un appartement par le procureur général et sa compagne, également procureure.
Genève

Il est des jours où l’on se demande, en lisant la presse, si l’on n’est pas en train de rêver éveillé, ou plutôt de poursuivre un mauvais cauchemar. Il en est ainsi des propos tenus par MeBonnant dans la Tribune de Genève du jeudi 4février, suite à l’acquisition conjointe d’un appartement par le procureur général Jornot et sa partenaire, elle-même procureure. On y apprend qu’acheter un appartement en PPE, à deux, ne s’apparente en rien à l’établissement durable d’un ménage commun. A croire qu’il n’est pas souvent question d’habiter dans la PPE que l’on possède ou qu’il est courant de collectionner les appartements. Mais, jusque-là, la lecture reste assez banale. C’est alors qu’on arrive aux propos du membre du Conseil supérieur de la magistrature, qui nous font recracher d’un jet notre café matinal. Par une réponse à côté du sujet –qui a malgré tout trouvé grâce aux yeux des journalistes– celui-ci parvient non seulement à détourner le débat qui anime le Ministère public, mais il en profite encore pour écorcher au passage celles et ceux qui ne correspondent pas à sa vision surannée et normative: «le fait que le procureur général aime les femmes est infiniment rassurant, un signe de vitalité et d’équilibre.» Qu’aurait donc affirmé MeBonnant si M.Jornot avait entretenu une relation avec un homme? Que ce dernier inquiétait par son déséquilibre et sa mollesse? Sans parler du cas où le procureur général serait une procureure générale!

En plein débat sur une initiative rétrograde qui vise à inscrire dans notre Constitution le mariage comme seule union d’un homme et d’une femme, on ne peut laisser passer de tels propos. Même en admettant que l’avocat ne soit pas conscient de leur signification implicite, ce qui serait pour le moins étonnant au regard de sa maîtrise du langage, ceux-ci mettent en lumière les discriminations courantes, voire banalisées, à l’égard de toutes les personnes qui ne sont pas hétérosexuelles. Les mettre en exergue n’est ni banal ni anodin.

Il est grand temps que le cadre évolue, pour accompagner l’évolution des mentalités et réduire les discriminations. Et c’est à l’Etat qu’il appartient de s’engager dans cette voie, en luttant contre l’homophobie et en supprimant toutes les discriminations, qui demeurent nombreuses, de notre arsenal légal. Malheureusement, on tente actuellement de faire marche arrière en gravant dans le marbre une norme oppressante sur le couple. Pour respecter le choix personnel de tous les individus, le rejet clair de l’initiative mensongère du PDC sur le couple et la famille est un pré-requis nécessaire. Un pré-requis qui doit permettre de faire des pas en faveur d’une véritable égalité. Des avancées que l’on attend avec impatience!

Opinions Agora Lisa Mazzone Genève

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