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Inquiétante recrudescence du nombre de victimes de mines

MINES ANTIPERSONNEL • Alors que les 162 Etats parties au Traité d’Ottawa, dont la Suisse, se réunissent cette semaine à Genève, Handicap International pointe l’augmentation du nombre de victimes en 2014 ainsi que la hausse du nombre de pays exposés aux mines «rebelles».

Les mines et autres restes explosifs de guerre ont fait 3678 victimes en 2014: un chiffre en augmentation de 12% par rapport à 2013. 80% sont des civils dont un tiers d’enfants, indique le rapport 2015 de l’Observatoire des mines1 value="1">www.the-monitor.org/en-gb/reports/2015/landmine-monitor-2015.aspx qui vient tout juste d’être publié. Cette hausse alarmante s’explique par la réalité du terrain. Les mines sont toujours utilisées par 11 Etats: Myanmar, Corée du Nord, Syrie, Afghanistan, Colombie, Irak, Libye, Pakistan, Tunisie, Ukraine et Yémen. Mais également par des groupes armés non étatiques qui montent en puissance et impliqués dans un grand nombre de conflits à l’instar de la Syrie, l’Irak, le Yémen ou l’Ukraine. Elles présentent une menace dans 57 pays et 4 territoires dans le monde.

Handicap International appelle la communauté internationale à rester mobilisée dans son combat contre ces armes barbares. Ces dernières violent le droit international humanitaire, ne faisant aucune distinction entre civils et militaires. Elles blessent et mutilent, provoquant des souffrances à vie. Les victimes ainsi que leurs familles sont souvent condamnées à la relégation sociale due à la perte de leur emploi et revenu, la déscolarisation ou la stigmatisation consécutive au handicap. Des dizaines d’années après la fin d’un conflit, les mines antipersonnel continuent à être actives. Elles présentent une menace pour les populations qui rentrent chez elles. Et posent un frein au développement en empêchant l’accès à des zones.

L’exemple du Mozambique montre que la victoire contre les mines antipersonnel est possible. Ravagé par vingt-cinq ans de guerre, il faisait partie des pays les plus contaminés au monde. Il s’est officiellement déclaré libre de mines le 17 septembre dernier. Depuis 1998, Handicap International soutenu par les principaux acteurs du déminage dans le pays, a permis de nettoyer plus de 16 millions de mètres carrés, neutralisant 6000 mines antipersonnel et 5000 restes explosifs de guerre. Un travail ardu en raison de l’extrême difficulté à accéder aux zones concernées. Débarrassé des mines, le pays s’ouvre à d’importantes perspectives de développement jusqu’alors impossibles en raison de la présence des engins explosifs. La population peut se déplacer librement et sans peur. Les terres agricoles laissées en jachère des années durant sont à nouveau exploitées. Le Mozambique continue cependant à porter la souffrance de ses blessés et mutilés. Le travail d’assistance aux victimes est donc désormais supporté en priorité. Et il est important que les donateurs restent mobilisés pour soutenir ces actions.

En 2014 à Maputo, les Etats signataires du Traité d’Ottawa s’étaient fixés pour objectifs de libérer la planète du danger des mines d’ici à 2025. Le plan d’action exige de renforcer les efforts pour déminer, détruire les stocks existants et répondre aux besoins des victimes. Cette année, dans le cadre de la Conférence des Etats parties qui a lieu à Genève du 30 novembre au 4 décembre, les pays non signataires sont à nouveau appelés à devenir membres du Traité qui interdit l’utilisation, l’acquisition, la production et le stockage des mines antipersonnel. Rappelons que 35 d’entre eux manquent encore à l’appel dont les très influents Etats-Unis, Russie et Chine. Parmi ces Etats, certains sont engagés dans des conflits armés comme l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, les Etats-Unis ou l’Iran. Et ils se réservent le droit de produire et stocker des mines antipersonnel, à l’instar de la Russie qui compte un stock record de 26,5 millions de mines, du Pakistan (6 millions), de la Chine (5 millions) et des USA (3 millions).

Handicap International attire également l’attention des gouvernements sur la nécessité de renforcer l’aide aux milliers de survivants d’accidents par mine. Les activités de réadaptation, de suivi orthopédique ou d’insertion sociale et professionnelle resteront en effet encore nécessaires durant de nombreuses années. Or les fonds consacrés à l’assistance aux victimes baissent d’année en année.
* Directrice de Handicap International Suisse.

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Opinions Agora Petra Schroeter

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