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MAH: un référendum pour barrer la route à la privatisation de la culture!

GENÈVE • Le référendum permettra à la «rue» de voter, remettant de la démocratie dans un débat confisqué.

Les signatures de 6000 personnes déposées en appui au référendum contre le projet d’agrandissement du Musée d’Art et d’Histoire (MAH) permettront heureusement à tous les habitant-e-s de la Ville de Genève de s’exprimer dans les urnes en 2016. Ce référendum était d’autant plus indispensable que le «partenariat» public-privé (PPP), qui fonde tout le projet, a été imposé via un déni démocratique inacceptable, en empêchant jusqu’ici tout débat public sur ce prétendu «partenariat»… La privatisation galopante d’un pan important de notre politique culturelle et les lourdes charges aux dépens de la collectivité publique que comporte ce prétendu «partenariat», liant pour nonante-neuf ans la Ville de Genève à la Fondation Gandur pour l’Art, est le motif central de l’opposition de solidaritéS (membre d’Ensemble à Gauche) à ce projet. Ce «PPP» est salué par ses promoteurs comme le premier d’une série que la droite municipale, soutenue par une part de la gauche, veut multiplier dans un pur élan néolibéral.

Cette volonté de désengagement des pouvoirs publics du financement de la culture est effrayante. Tout au long de l’étude du projet d’agrandissement du MAH, le magistrat en charge de la culture, Sami Kanaan, n’a cessé d’entretenir la confusion en qualifiant de «mécénat» ce qui est à cette heure − de son aveu de dernière minute−, un partenariat déséquilibré au détriment de l’intérêt public qui permettra à un privé de conditionner lourdement la politique culturelle d’un grand musée appartenant à la collectivité. Pour Jean-Claude Gandur «il faut qu’un objet soit beau pour intéresser les gens dans un musée» (TdG 26.06.15). En l’absence de critères objectifs définissant la beauté, c’est la rareté et donc le prix qui conditionneront le choix des pièces. C’est le propre du néolibéralisme de soumettre la culture à des critères marchands. En soutenant un projet culturel de riches, Sami Kanaan se trompe dans sa vision de la culture, de sa mission et de la définition du service public.

Une politique culturelle publique digne de ce nom ne peut pas se limiter à la présentation de pièces artistiques de prestige ou hors de prix. Elle doit permettre aux gens de se découvrir, se reconnaître dans les cultures d’autres temps et d’autres lieux pour débattre des questions d’intérêt commun et concevoir un projet de société. Pour cela, on ne peut pas se limiter à penser en termes marchands et de rendement. Il est donc vital que l’intérêt public garde la haute main sur la politique culturelle. Dans le cas du «partenariat» avec la fondation de Monsieur Gandur, on assiste à une situation inverse. Alors que Sami Kanaan demandait une révision de la convention liant la Ville à la fondation Gandur, ce dernier lui a signifié une fin de non-recevoir: pas question d’y changer une virgule.

Les récentes déclarations de Gandur dans la presse dévoilent ses vraies intentions: seules les pièces les plus belles, les plus rares et les plus chères seront exposées; confronté au référendum, il proclame «je vais être brutal, comme je peux l’être en affaires», et prétend qu’il ne faudrait pas modifier la convention «sur pression de la rue» (TdG 26.06.2015).

La «rue» aujourd’hui, ce sont les associations et partis minoritaires au Conseil municipal qui se sont mobilisés contre ce projet démesuré et arrogant, qui s’opposent aux menaces, au mépris démocratique et à la connivence de ceux qui se couchent face à l’attrait de l’argent et des pièces de valeur «inestimable» que Gandur prêterait au musée.

Le débat public bienvenu qui va pouvoir avoir lieu grâce aux référendaires, permettra aussi au Parti socialiste et aux Verts de reconsidérer leur position officielle dans ce dossier. Du moins, nous l’espérons.

* Militant-e-s de solidaritéS et élu-e-s d’Ensemble à Gauche au Conseil municipal de la Ville de Genève

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