Agora

La réponse décevante de la communauté européenne

MIGRANTS • Face au «minimalisme» du plan d’action européen en réponse aux hécatombes en Méditerranée, Michel Ottet plaide pour une obtention facilitée de visas, en élargissant la notion de «situation de détresse».

Passée la minute de silence pour les victimes de la catastrophe humanitaire qui se déroule en Méditerranée, les réflexes de repli des nations ont repris le dessus. Les seules propositions concrètes qui ont été adoptées à l’issue de la réunion extraordinaire du Conseil européen, le 23 avril dernier, sont les suivantes:

• Un triplement des moyens alloués à l’opération Triton dirigée par l’agence Frontex chargée de la surveillance et de la défense des frontières européennes, mais sans directive claire lui donnant comme nouvelle mission de secourir les naufragés près des côtes africaines, sur les lieux où se produisent les naufrages;

• La destruction, par des moyens militaires, des embarcations utilisées par les passeurs. En dehors du fait que ceci n’apporte aucune réponse à l’impérieuse nécessité pour les réfugiés qui doivent fuir leur pays de trouver un lieu d’accueil, cette mesure sera difficile à mettre en place pour des questions de droit international;

• L’accueil de 5000 réfugiés: une goutte d’eau au regard des 2000 à 3000 réfugiés qui arrivent chaque jour en Italie. Et encore aucune clé de répartition entre les pays européens n’a été convenue; ceci se fera sur une base volontaire!

• Aucune remise en cause du système Dublin qui part du principe que c’est le premier pays dans lequel le demandeur de protection est arrivé qui est chargé de l’examen de sa demande. Si celui-ci a l’idée de partir ailleurs, il sera renvoyé dans ce premier pays. En d’autres termes, l’Italie, non seulement submergée par les arrivées de réfugiés, devra encore s’occuper de l’examen de leur demande et les héberger définitivement.

Devant ce programme minimaliste, les critiques de l’Italie et des ONG fusent. En effet, nous sommes bien loin des propositions ambitieuses du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) du 15 mars 2015.1 value="1">Voir http://exodus-dignity.org/fr/

Vraiment, il n’y a pas grand-chose à attendre de la Communauté européenne!
Que peut faire la Suisse?

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga proposait une répartition équitable des demandeurs d’asile qui se trouvent en Italie. Nous pourrions prendre en charge un plus grand nombre de réfugiés syriens et érythréens. Et, pour commencer, il ne faudrait plus exécuter les renvois des demandeurs d’asile vers l’Italie prévus dans le règlement Dublin, en appliquant une clause discrétionnaire qui permet à la Suisse de s’occuper elle-même de l’examen des demandes de protection et, par conséquent, de décharger d’autant l’Italie.

Le 21 avril, Le Courrier publiait un article intitulé «En Suisse aussi, c’est l’indignation». Nous pouvions y lire la proposition de Cesla Amarelle, conseillère nationale, d’ouvrir des «couloirs humanitaires virtuels»; il s’agit de faciliter l’obtention de visas en élargissant la notion de «situation de détresse».
Entreprendre le voyage par avion est certainement le moyen le plus sûr d’atteindre notre pays et de ne pas mourir dans le désert ou de se noyer dans la Méditerranée.

Les personnes qui demandent l’asile dans les aéroports sont, dans leur plus grande majorité, des «bons cas» autorisés à entrer en Suisse pour la poursuite de la procédure. Il convient donc de se demander pourquoi cette voie n’est pas utilisée beaucoup plus fréquemment. L’explication est simple: les obstacles placés sur leur route la rendent impraticable car il est impossible d’obtenir rapidement un visa pour la Suisse lorsque l’on est persécuté dans son pays. Ceci oblige les candidats à l’asile de se procurer, à prix d’or, des faux documents pour pouvoir voyager.

La méthode pour empêcher les arrivées est donc toute trouvée: obliger les compagnies aériennes à ne transporter que des passagers munis des documents valables pour entrer légalement en Suisse et envoyer des conseillers, les Airline Officer (ALO), dans les aéroports «sensibles» pour les aider dans leur tâche.
Cette méthode est particulièrement efficace, et nous pouvons lire à la page 13 du «Commentaire sur la statistique en matière d’asile»: «En 2014, un total de 257 demandes d’entrée ont été déposées dans les aéroports de Genève-Cointrin et Zurich-Kloten. 42 demandes ont été déposées à Genève (année précédente: 79) et 215 à Zurich (année précédente: 305)».

Ceci représente une chute drastique de 47% à l’aéroport de Genève et 30% à l’aéroport de Zürich entre 2013 et 2014, et cette baisse continue: Seulement cinq demandes d’asile ont été déposées à l’aéroport de Cointrin depuis le début de l’année.

Dans leur fuite, les réfugiés passent dans des pays où se trouvent des aéroports internationaux comme Istanbul, Le Caire, Tunis, etc. et les ALO sont des fonctionnaires fédéraux détachés du Corps des gardes-frontière qui travaillent en étroite collaboration avec le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et nos consulats à l’étranger.

Ne serait-il pas possible de demander à ces ALO d’établir des visas pour la Suisse lorsqu’ils se trouvent en présence de demandes de protection?
 

Notes[+]

Opinions Agora Michel Ottet

Connexion