Agora

Les Roms ne sont pas victimes d’une fatalité

SOCIÉTÉ • Tirant à sa fin, la Décennie pour l’intégration des Roms débouche sur un bilan mitigé. Peter Staudacher, de Caritas Suisse, fait le point.

La Décennie pour l’intégration des Roms prend fin en 2015. Douze pays1 value="1">Albanie, Bosnie Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Espagne, Hongrie, Macédoine, Monténégro, République tchèque, Roumanie, Serbie et Slovaquie, la Norvège et la Slovénie ayant un statut d’observateur. ayant une importante population rom ont pris part à ce un programme international en faveur des populations roms d’Europe. Le bilan est pour le moins modeste. Même si, dans les zones de projet, on observe des succès partiels et dans certains lieux des résultats concrets, on est encore très loin d’avoir atteint l’objectif qui visait à améliorer la situation des Roms d’Europe de l’Est et du Sud-Est en l’espace de dix ans.

Les succès plus que modestes de la Décennie pour l’intégration des Roms donnent de l’eau au moulin des politiciens populistes des pays d’Europe de l’Est qui ont pris les Roms pour cibles de leurs thèses xénophobes. Pour la plupart des Roms d’Europe de l’Est, la décennie n’a pas apporté d’amélioration concrète et elle est même restée ignorée de beaucoup d’entre eux. Le projet n’a pas produit grand-chose de plus qu’une longue liste de publications et de manifestations. Le travail pour et avec les Roms est-il perdu d’avance, et le préjugé selon lequel les Roms européens, du fait de leur marginalisation depuis des siècles, ne peuvent pas s’intégrer durablement dans la société se vérifie-t-il?

Caritas Suisse réfute le mythe selon lequel les Roms sont condamnés à la pauvreté. Notre expérience montre clairement que les projets que nos partenaires et nous menons depuis des années pour et avec les Roms en Europe de l’Est et dans les Balkans vont dans la bonne direction. Il est vrai que le travail avec les Roms exige toujours, outre une analyse précise de la problématique de départ, une bonne dose de créativité et de souplesse. Les champs d’action principaux de notre engagement pour les Roms d’Europe de l’Est et du Sud-Est sont la formation (encouragement précoce et formation scolaire de base la plus large possible), le développement de la communauté, le logement, le travail et la santé. Ces champs d’action résument très bien le catalogue des problèmes des communautés roms:

• Les enfants roms n’ont souvent qu’une formation scolaire insuffisante, voire même inexistante. Presque aucun enfant rom n’a fréquenté un jardin d’enfants. Des générations entières n’ont jamais bénéficié des conditions formelles les plus élémentaires (école primaire) qui leur permettraient de postuler pour un emploi réglementé. Pour pouvoir survivre, il reste l’économie informelle, et souvent, la délinquance. Au Kosovo et en Roumanie, Caritas Suisse a donc contribué à la mise sur pied de classes d’intégration des Roms et des enfants défavorisés, et accompagne l’enseignement de manière à ce que le droit à l’éducation ne reste pas un vœu pieux pour les enfants roms.

• Les communautés roms sont fragmentées et ne peuvent pas compter sur une représentation efficace de leurs intérêts: désaccords, intérêts particuliers de grandes familles ou de groupes politiques viennent brouiller une claire définition des besoins des communautés. Les démonstrations de force du plus petit nombre occultent les nécessités du plus grand nombre, et notamment des femmes et des enfants. Dans ses projets, Caritas donne une voix à ceux qui n’en ont pas, encourage les groupes d’initiative et les renforce. Par exemple, dans le bidonville roumain de Craica (nord-ouest de la Roumanie), le groupe d’initiative est devenu le porte-voix de la communauté rom et il est aujourd’hui reçu et écouté par le maire de la ville de Baia Mare qui compte 150 000 habitants.

• Les Roms ne jouent qu’un rôle mineur dans l’économie formelle de l’Europe de l’Est. Les emplois pour les Roms des économies des Etats socialistes d’avant la chute du Mur sont de l’histoire ancienne. Les Roms trouvent encore parfois des emplois dans les services communaux. L’absence de revenus stables mène inéluctablement à la pauvreté, la pauvreté durable engendre une spirale de problèmes sociaux. Beaucoup de Roms sont aujourd’hui pris dans cette spirale: malnutrition, tuberculose, logements misérables sans eau ni électricité, conditions d’hygiène déplorables, souvent dans des quartiers en périphérie de villes importantes. Caritas s’engage depuis plus de dix ans dans la construction de logements et de quartiers pour les Roms en Bosnie et au Kosovo. Nous favorisons aussi la recherche d’emploi par le biais d’une fréquentation régulière de l’école et l’octroi de diplômes de fin de scolarité et nous accompagnons les Roms lors de leur entrée dans le monde professionnel et durant la première phase de leur vie professionnelle. Un emploi et un revenu régulier et suffisant sont efficaces contre la pauvreté et favorisent également une intégration sociale.

• La pauvreté engendre immanquablement un état de santé déficient. Les maladies liées aux carences et les maladies chroniques non traitées sont largement répandues dans les communautés roms. Des études ont montré que l’état de santé moyen des Roms d’Europe de l’Est est bien plus mauvais que la moyenne de la population. Par manque d’argent, les Roms n’ont que difficilement accès au système sanitaire et leurs revendications ne sont pas prises au sérieux par les systèmes de santé de l’État. Caritas engage des médiateurs sanitaires dans les communautés roms qui donnent des conseils de santé et encouragent la population rom à prendre des dispositions en matière sanitaire. De plus, nous mettons sur pied des réseaux de médecins et des centres médicaux qui traitent les Roms.

Ces dernières années, l’engagement de Caritas Suisse pour les Roms d’Europe de l’Est et du Sud-Est s’est intensifié. Nous collaborons étroitement avec la Direction du développement et de la coopération (DDC), ainsi qu’avec les autorités et les gouvernements sur place qui cherchent à intégrer durablement les Roms. Caritas Suisse est également en étroite liaison avec les organisations roms qui sont associées à la planification et la mise en œuvre des programmes, que ce soit au Kosovo, en Roumanie ou en Bosnie. Les programmes roms de Caritas Suisse ont des résultats concrets, des succès mesurables et un potentiel d’apprentissage qui nous encourage à continuer dans cette voie.

Notes[+]

Opinions Agora Peter Staudacher

Connexion