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Logement social: « il y a urgence à agir »

AGORA GENÈVE • «La Ville de Genève n’est pas en mesure de lutter, seule, contre la pénurie de logements», alerte Sandrine Salerno. La magistrate appelle le Canton à remplir ses engagements.

Au début du mois de mars, nous avons dressé un état des lieux du parc de logements municipal. Ces données précises et parfois méconnues sur les 5300 habitations que possède la Ville permettent de faire le point sur l’importance de l’action de la commune mais aussi sur l’urgence d’agir au niveau cantonal.

Aujourd’hui, 95% du parc de logement de la Ville de Genève est consacré au logement social. Cela signifie que la commune fixe le loyer de ses habitations en fonction des revenus du groupe familial et du taux d’occupation; elle offre ainsi des logements à des personnes et des familles qui n’ont pas les moyens de se loger dans les conditions actuelles du marché locatif privé. Le loyer moyen d’un appartement de quatre pièces géré par la Gérance immobilière municipale (GIM) est de 944 francs, contre 1449 francs en moyenne à Genève pour les anciens logements, statistiques qui s’envolent à 1851 francs pour les appartements remis en location, alors que les prix dans les annonces dépassent souvent les 2000 francs.

Malgré son engagement, la Ville n’est pas en mesure de lutter, seule, contre la pénurie de logements. Fin 2014, la GIM recensait plus de 3800 demandes actives. En parallèle, elle n’a pu attribuer que 289 habitations. Il y a donc un fossé immense entre la demande et l’offre. Et une frustration compréhensible des personnes cherchant un toit qui vivent, pour beaucoup, des situations difficiles.

Car à la pénurie de logement s’ajoute une précarisation croissante. Chaque semaine, la GIM est ainsi confrontée à des familles nombreuses qui vivent dans des studios, à des personnes obligées de louer des appartements insalubres ou à des femmes avec enfants qui vivent chez des tiers. Au total, près de 20% des demandeur-euse-s de logement inscrit-e-s à la GIM ne disposent d’aucun logement. Au niveau des revenus, on constate que 75% des demandeur-euse-s de logement se situent dans une fourchette allant de 1665 francs à 6250 francs par mois, le pourcentage le plus important (35,5%) se situant dans la catégorie des revenus allant de 2500 francs à 4160 francs par mois. On parle ici de revenus familiaux, censés permettre à toute une famille de vivre.

Face à cette crise, alliant pénurie de logement et précarisation, il y a une urgence à agir. Or, dans ce combat, la Ville de Genève se sent bien seule. En 2009, le Canton s’est pourtant engagé à intensifier ses efforts: il s’est fixé comme objectif la constitution d’un parc locatif composé à 20% de logements d’utilité publique (LUP). Aujourd’hui, on est loin du compte. Selon les derniers chiffres disponibles, Genève ne dénombre que 14'961 LUP (dont plus de 5000  logements de la Ville de Genève), soit un peu plus de 9% du parc locatif. Non seulement le Canton ne construit pas, mais en plus il dénature la mission de l’Hospice général, en lui demandant de rentabiliser son parc de logements et de mettre des locataires à la porte (cf. Le Courrier du 11 mars 2015). Quelque chose ne tourne pas rond.

Aujourd’hui, les chiffres publiés par la GIM montrent que la Ville a atteint une limite. Face à l’urgence sociale, il est indispensable que nos partenaires prennent leurs responsabilités et que nous fassions front commun. Le Canton doit respecter ses engagements et débloquer aussi vite que possible les fonds nécessaires à la construction de logements sociaux et au doublement des LUP. Les régies privées doivent également endosser leur responsabilité sociale et ne pas profiter de chaque changement de locataire pour faire s’envoler les prix.

Le logement est un droit. Le rendre accessible est l’affaire de toutes et tous.

* Conseillère administrative de la Ville de Genève, en charge du Département des finances et du logement.

Opinions Agora Sandrine Salerno

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