Contrechamp

Un avenir pour les jeunes villageois

INDE • Ashish Ghosh, coordinateur national en Inde de Terre des hommes Suisse, était à Genève fin janvier dans le cadre du Congrès international pour la justice juvénile. L’occasion de faire le point sur la situation de la jeunesse indienne.
L’éducation: un des chevaux de bataille de Terre des hommes Suisse en Inde TDH SUISSE

Il est confiant, Ashish Ghosh. Mais conscient des travers d’une société toujours rongée par d’archaïques démons. Cet Indien engagé nous dépeint sa vision du pays et son travail pour les droits de l’enfant. L’Inde est une terre de contrastes, dit-il. D’un côté, une grande puissance émergente, au taux de croissance élevé et au potentiel économique, scientifique et intellectuel reconnu. De l’autre, un pays où près d’un tiers de la population, soit environ 350 millions de personnes, vit sous le seuil de la pauvreté.

Le voyage des jeunes vers les villes est périlleux

Les fortes inégalités économiques et sociales qui rongent le sous-continent indien ont des causes multiples, au rang desquelles la déficience du système éducatif. En dehors des villes, l’enseignement public est peu fiable, irrégulier, en raison des faibles moyens et des absences fréquentes des enseignants. A cela s’ajoute l’extrême pauvreté de certaines régions.

Autant de raisons qui forcent souvent les élèves à abandonner l’école. Poussés par la nécessité de travailler, les jeunes des campagnes sont contraints de gagner les villes pour assurer leur subsistance. Ashish Ghosh insiste sur ce mot en anglais: livelihood. Dans les zones les plus défavorisées, particulièrement délaissées par l’aide gouvernementale, où la vie se transforme en survie, les jeunes s’en vont en quête de travail.

L’exode rural auquel est poussée la jeunesse indienne est un phénomène important. Et le voyage vers les villes est périlleux. Ceux qui partent sans famille s’exposent à toutes sortes de dangers, dignes des scènes du film Slumdog Millionaire. La réalité dépasse souvent la fiction: trafiquants, réseaux criminels, la tentation est grande et les candidats nombreux.

Par ailleurs, certaines traditions persistent qui peuvent être préjudiciables à la croissance et à la sécurité de l’enfant. La pauvreté entraîne, par exemple, bon nombre de jeunes Indiens vers l’emploi domestique pour le compte de familles plus aisées. Beaucoup de personnes en Inde, même au bénéfice d’une formation supérieure, considèrent que l’emploi de jeunes en tant que personnel de maison n’est pas condamnable. Mais ceux qui œuvrent dans ces emplois précaires s’exposent souvent à de mauvais traitements, à l’exploitation et aux abus.

Des actions ciblées pour réduire le nombre d’enfants migrants

Ashish Ghosh mentionne également la problématique de la dot, toujours d’actualité, malgré un recul du phénomène. Le sujet est devenu quelque peu tabou mais les avortements sélectifs de filles restent nombreux, particulièrement dans les régions les plus pauvres de l’est du pays. «Les traditions, dans notre société, n’aident pas à grandir, c’est vrai, constate-t-il, cela nécessite des campagnes d’information, de l’éducation.»

C’est dans ce contexte d’inégalités sociales et de réponses insuffisantes de la part du gouvernement que s’inscrit le travail de Terre de Hommes Suisse. L’association comptabilise neuf projets, répartis dans sept Etats, qui portent sur l’éducation, la lutte contre la traite d’enfants, la réinsertion et la scolarisation des enfants travailleurs, la justice juvénile ainsi que l’amélioration des conditions de vie des familles de pêcheurs et des communautés tribales.

Concrètement, l’assistance à la jeunesse prend, par exemple, la forme d’un accompagnement des jeunes dans leur périple migratoire ou des emplois sécurisés. Ailleurs, des mini-communautés de vie sont développées, dans lesquelles chaque jeune est convié à participer à la vie du groupe ou à acquérir une formation et des connaissances nécessaires relatives aux droits de l’enfant et à la vie civique.

Dans certains Etats côtiers du sud de l’Inde, le lobby de la pêche et la spéculation engendrent une sous-évaluation des ressources halieutiques, plongeant ainsi les familles de petits pêcheurs traditionnels dans la pauvreté. Terre des Hommes Suisse s’emploie ici à mettre sur pied des structures proches de la coopérative, pour faire pression et rétablir des prix qui permettent aux populations de survivre. Ainsi, les jeunes, autrefois condamnés à migrer vers la précarité des villes, peuvent envisager un avenir dans la pêcherie. Ils participent ainsi à la survie de leurs villages. Le système de coopératives est également développé dans le secteur agricole, où la spéculation précarise toujours plus les producteurs de riz.

Combattre pour une vie décente

Ashish Ghosh mise sur ces actions ciblées et locales pour réduire significativement le nombre d’enfants migrants soumis aux risques de trafic ou de violences. L’éducation est aussi un des chevaux de bataille de Terre des Homme Suisse en Inde, notamment par le biais de centres scolaires implantés dans les villages.
Chaque année, le nombre de bénéficiaires de ces programmes augmente et les actions menées par les associations partenaires locales se développent. L’Inde doit aujourd’hui faire face à bien des défis. L’explosion démographique engendre de nombreux problèmes pour l’encadrement et la formation d’une jeunesse qui reste en grande partie défavorisée et vulnérable. Des millions de personnes ne peuvent pas couvrir leurs besoins de base, y compris l’accès à l’eau potable, faisant de l’Inde une vraie bombe à retardement.

Face à cette situation, tout combat, même s’il n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, est important pour aider la plus grande démocratie du monde à proposer à ses habitants une vie décente pour tous.

Opinions Contrechamp Gaëtan Cortay

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