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La lutte continue, camarade Wu!

HONG KONG • Le syndicaliste genevois Umberto Bandiera a participé à la première conférence internationale sur les droits des travailleurs en ChineOrganisée à Hong Kong du 24 au 27 octobre par la Confédération syndicale d’Hong Kong (HKCTU) en collaboration avec l’Université de Hong Kong., organisée par les syndicats hongkongais, sur fond de Mouvement des parapluies. Témoignage.

Les réformes ont-elles renforcé les droits des travailleurs? C’est sur cette question que s’est ouverte à Hong Kong la première conférence internationale sur le développement du mouvement syndical dans la République populaire de Chine. En même temps que les rues principales de la métropole asiatique continuent à être bloquées par le Mouvement des parapluies, les syndicats s’organisent pour démocratiser le monde du travail.

Organisée par la Confédération syndicale hongkongaise (HKCTU) sous le titre «Négociation collective et renforcement des travailleurs en Chine», la conférence a été le lieu d’un profond débat sur les conditions de travail dans l’Empire du Milieu, grâce aux nombreuses contributions de la part de syndicalistes et militants chinois, analystes et juristes internationaux ainsi que d’une nombreuse délégation de syndicats européens et asiatiques.

Quel est donc l’état de la situation? Au-delà de l’image de stabilité donnée par les médias, de fait, la Chine continue à être chaque année le centre de centaines de luttes ouvrières et de grèves, leur nombre ne cessant d’augmenter. En avril dernier, par exemple, plus de 40 000 travailleurs ont entamé des grèves dans les usines d’un fournisseur d’Adidas afin d’obtenir de meilleures rétributions.

La faiblesse de la législation, la rareté et l’inefficacité des contrôles ainsi que l’interdiction de créer des syndicats libres sont les principaux obstacles à un réel renforcement des conditions des travailleurs. Dans un pays qui est devenu l’usine de la planète, où toutes les plus importantes multinationales ont délocalisé ou sous-traité leurs productions, une amélioration des droits et des salaires des travailleurs n’est pas forcément vue d’un bon œil. En effet, malgré son adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et sa pleine participation à la mondialisation, la Chine n’a ratifié que quatre des huit principales conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) et un seul syndicat est reconnu par le régime: l’ACFTU, qui se limite plutôt à un rôle de médiateur.

Le mouvement syndical suisse n’est pas étranger à ce débat, surtout après l’entrée en vigueur de l’accord de libre échange entre la Confédération et la Chine. Cet accord, qui a fait l’objet de nombreuses critiques, prévoit aussi un protocole sur l’emploi, où malheureusement les dispositions de contrôle des conditions de travail restent très lacunaires. C’est aussi pour ces raisons que le syndicat Unia a décidé de lancer un projet de coopération avec des ONG et des syndicats basés à Hong Kong, avec l’ambition d’une meilleure formation des militants syndicaux chinois ainsi qu’une surveillance plus efficace des entreprises suisses basées en Chine.
Entretemps, dans le plus grand pays communiste au monde, les travailleurs doivent continuer à s’auto-organiser pour se défendre, risquant ainsi la répression du régime. Dernier d’une longue liste de militants syndicaux en prison, Wu Guijun a été libéré en juin, après 371 jours de détention. Sa faute: avoir organisé une grève.

M. Guijun, 40 ans, représente cette nouvelle génération d’activistes syndicaux résolus et déterminés, qui croient profondément au droit à la négociation collective et à la libre représentation syndicale. Il a été employé auprès d’une usine de meubles à Shenzhen, dans le sud du pays, et, très rapidement, est devenu le porte-parole de ses collègues. L’employeur, une société hongkongaise prévoit, à un moment donné, de délocaliser l’usine à Huizhou, où le coût du travail est plus faible, mais sans vouloir payer l’indemnité de départ. Les travailleurs à l’unanimité décident alors de se mettre en grève, puis de la reconduire pour trois semaines. Le 23 mai 2013, les travailleurs organisent un cortège afin de demander l’intervention du gouvernement local. Plus de 200 travailleurs sont arrêtés lors de cette action, mais tous sont libérés quelques jours plus tard, à l’exception de Wu Guijun, considéré comme l’un des organisateurs de la grève. Il passera plus d’un an en prison.
Aujourd’hui, Wu est à nouveau libre et, comme il nous l’a promis, sa lutte et celle de millions d’autres travailleurs chinois ne peut que continuer.
* Secrétaire syndical Unia.

Opinions Agora Umberto Bandiera

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