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Une idéologie hostile à l’émancipation des femmes

SOCIÉTÉ • Le collectif féministe «Les Pires et associé-e-s» revient sur une récente action menée à Lausanne contre le masculinisme.

Dans le cadre de la «formation en psycho-sexologie appliquée» donnée par Yvon Dallaire et Iv Psalti, à Lausanne, les 9 et 10 octobre 2014, notre collectif militant féministe a interrompu la séance, pour signifier son désaccord avec l’idéologie masculiniste des formateurs, en scandant des slogans et distribuant un tract, dont une partie du contenu est reproduit ci-dessous.

Masculinistes, hoministes, no pasaran! Le contenu de cette formation, qui se présente comme «une thérapie de la troisième vague» fait partie de l’offensive masculiniste. «Le masculinisme est une expression actuelle de la misogynie et de l’antiféminisme»1 value="1">Collectif Stop Masculinisme, Contre le masculinisme. Guide d’auto-défense intellectuelle, Lyon: Bambule, 2013, p. 16.. Cette idéologie, appelée aussi «hominisme», est hostile à l’émancipation réelle des femmes et œuvre à la conservation des privilèges des hommes et à leurs positions de pouvoir au sein de la société.

Les courants masculinistes et hoministes se profilent sur la défense des «droits» des pères et autour de la constitution des réseaux d’hommes (groupes de paroles, groupes de soutien, associations «d’hommes battus» sous-entendu par les femmes, etc.). La création de tous ces groupes, accompagnée du discours sur les «droits» des pères ainsi que sur «le tabou des hommes battus» ne servent qu’à renforcer leur domination.

Quatre hommes, entre autres, ont un rôle important dans la diffusion de cette pensée en Suisse: Yvon Dallaire, John Goetelen, Guy Corneau et Hubert Van Gijseghem. Yvon Dallaire renforce la violence masculine en présentant les hommes comme le nouveau «sexe faible», niant ainsi les rapports de pouvoir et les inégalités structurelles de genre qui existent et se renforcent. Il ramène l’ensemble des violences découlant du patriarcat à des «conflits» interindividuels de couple et complémentaires.

Il semble urgent de rappeler que: la violence «conjugale» n’est pas «une maladie d’amour» (contrairement à ce que propose la formation!), la violence «conjugale» n’est pas symétrique, la violence «conjugale» est masculine, la violence s’exerce dans un système de domination, le patriarcat.

Pour nier ces oppressions, la formation proposée par Yvon Dallaire (comme d’autres) s’appuie sur une idéologie naturaliste – renforcée aujourd’hui par la médiatisation de certaines études neuroscientifiques – qui prétend qu’il existe des natures féminine et masculine bien distinctes, dépendantes des chromosomes, des hormones et autres complexes prétendument neuro-bio-psycho-schismogenésique. L’utilisation du discours sur les différentes «natures» et leur complémentarité, centrale pour Dallaire, pérennise le système hétéro-sexiste. Il rend également symétriques les violences au sein du couple, ce qui permet d’évacuer la question de la prévalence des violences masculines.

Cette forme d’antiféminisme est déjà bien présente dans les institutions et dans certaines associations en Suisse romande. Par exemple le Foyer Le Pertuis à Genève, sous l’impulsion de David Bourgoz, délégué aux violences domestiques dans la même ville, accueille simultanément des agresseurs et des femmes victimes de violence afin de «rompre le cycle des violences interpersonnelles» et parce qu’il y a de «l’humanité et de la souffrance chez tous [sic]»2 value="2">Martine Miquel, Sybille Gallandat Crevoiserat, «Entre violences subies et violences agies» in: Revue Reiso, 10 juillet 2014..

L’association Pharos, créée par Serge Guignot, thérapeute du couple et de la famille, également coresponsable avec la directrice de Solidarité Femmes Genève, du module «Violences domestiques» à la Haute école de travail social, et chargé d’enseignement dans la même institution, vient en soutien aux hommes victimes de violences conjugales. A ce propos, il estime que «l’Homme en est actuellement où en était la Femme il y a trente ans» et que «les violences conjugales sont souvent physiques et psychologiques, mais elles peuvent aussi être sexuelles, en forçant un rapport ou en l’empêchant»3 value="3">Shayma Gabr, «Violences conjugales: les hommes peuvent aussi être victimes», Tribune de Genève, 27 août 2010, nous soulignons..

L’association Jason (merci la mythologie), groupe d’entraide pour hommes victimes de violences à Lausanne, veut lever «le tabou entourant les souffrances de certains hommes» avec le soutien de bénévolat Vaud (dont le contributeur essentiel est le canton). Cette association affiche clairement son adhésion au discours masculiniste et se garde bien de relever que les hommes violentés le sont essentiellement par d’autres hommes.

Quant à John Goetelen, qui fait partie du même «Réseau hommes» qu’Yvon Dallaire, il intervient régulièrement dans la Tribune de Genève pour exposer ses propos haineux envers les femmes.

Les théories d’Yvon Dallaire et sa «formation en Psycho-Sexologie Appliquée» ne sont pas des faits isolés. Ceci montre clairement qu’il existe aujourd’hui un retour de bâton contre les femmes qui se situe plus largement dans l’air du temps réactionnaire (néolibéral, antisocial, raciste, etc.)4 value="4">Collectif Stop Masculinisme, Contre le masculinisme. Guide d’auto-défense intellectuelle, op. cit. p. 17..

Nous combattons cette offensive et continuons la lutte contre le patriarcat.

NO PASARAN !!!

Notes[+]

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