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«Plus vite ils seront intégrés, moins ils seront à la charge de l’Etat»

ASILE • Par lettre ouverte, l’ODAE romand interpelle les députés vaudois sur le projet de réforme de la Loi sur l’aide aux études et à la formation professionnelle, qui priverait de bourses d’études les requérants d’asile et les détenteurs d’une admission provisoire.

Mesdames et Messieurs les député-e-s,

L’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE romand) revient sur l’intention de votre Conseil d’exclure les personnes en procédure d’asile ou au bénéfice d’une admission provisoire des prétendant-e-s aux bourses d’études et d’apprentissage dans votre canton dans le cadre de la modification de la Loi sur l’aide aux études et à la formation professionnelle (LAEF).

Dans le cadre de notre mandat d’information, nous souhaitons par la présente attirer votre attention sur le parcours et le vécu des personnes que cette mesure affectera de manière directe.

A propos des jeunes en procédure d’asile, notre récente étude menée en collaboration avec les Observatoires basés à Berne et à St-Gall fait état de la longueur excessive de la procédure d’asile qui touche les personnes dont le besoin de protection est patent. Dans ce rapport, intitulé «Asile à deux vitesses», nous décrivons entre autres les cas de l’Erythréenne «Helen» et de l’Afghan «Ahmadi», arrivés en Suisse à l’adolescence et qui auront attendu trois ans jusqu’à l’obtention d’une réponse à leur demande d’asile. Plus récemment, nous avons documenté le cas d’une famille palestinienne, restée treize ans avec le statut précaire de demandeurs d’asile, ce qui a lourdement entravé leur intégration.

Si les cantons ne sont pas responsables des longs délais dans le traitement de demandes d’asile, ils ont la possibilité de proposer des mesures d’intégration et de formation à ces enfants et adolescent-e-s, en l’absence de moyens mis à disposition par la Confédération. A notre sens, il est même dans leur intérêt de le faire. Pour la plupart, ces personnes recevront une forme de protection et resteront dans leur canton d’attribution. Plus vite les jeunes concerné-e-s pourront accéder à des études ou à un apprentissage, plus vite ils et elles seront intégrés socialement et professionnellement, et donc pas à la charge de l’Etat.

A propos des jeunes au bénéfice d’une admission provisoire dont les parents dépendent de l’aide sociale, un autre paradoxe se dessine. En effet, compte tenu de la précarité des parents, ce sont ces jeunes qui auront le plus besoin d’un coup de pouce pour se former. Ainsi, l’adolescente «Esma», dont la mère s’est vue réattribuer un permis F pour dépendance à l’aide sociale après vingt années passées Suisse dont dix au bénéfice d’un permis B, verra son avenir en Suisse – où elle est née – lourdement prétérité. Résidant dans le canton de Vaud, cette adolescente se trouvera ainsi privée de bourse. Puisqu’il s’agit d’une mère et d’une fille somaliennes dont le renvoi est jugé inexigible, la précarisation de celles-ci ne peut être dans l’intérêt du canton de Vaud.

Cette illustration concrète de la longue durée de bon nombre d’admissions provisoires est soutenue par les statistiques selon lesquelles près de la moitié des personnes concernées demeurent avec ce statut pendant sept ans ou plus. Face à cette réalité, le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies a récemment souligné le caractère disproportionné et discriminatoire des restrictions touchant les bénéficiaires d’un permis F, qui plus est pour une longue durée, et appelé les autorités suisses à faciliter notamment leur accès à l’emploi et à «des possibilités d’éducation1 value="1">Voir Recommandations du CERD, 13 mars 2014, para. 16.».

Nous espérons que ces quelques lignes vous encourageront à utiliser davantage votre marge de manœuvre afin de garantir, dans l’intérêt de votre canton, l’insertion de votre population migrante à long terme, ainsi que la conformité de vos lois et politiques avec des normes internationales qui lient également votre canton.

Nous nous tenons à votre disposition pour tout complément d’information sur les conséquences sur le plan humain de l’application aux niveaux fédéral et cantonal des lois en matière d’asile et de droit des étrangers et vous transmettons nos salutations cordiales.

* Pour l’ODAE romand. Mariana Duarte, coordinatrice, et Magalie Gafner, membre vaudoise du comité, www.odae-romand.ch

Notes[+]

Lire aussi «Les requérants d’asile n’auront plus droit aux bourses d’études», Le Courrier du juin 2014.

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