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Se libérer du racisme, de la «lutte contre la surpopulation étrangère»

VOTATIONS • Karl Grünberg, favorable au rejet de l’initiative «contre l’immigration de masse», apporte un éclairage historique sur la politique d’immigration gouvernementale.

Les partisans comme les adversaires bourgeois de l’initiative UDC «contre l’immigration de masse» ont mobilisé la peur de la dégradation des conditions de vie et du cadre de vie. Que l’initiative soit acceptée ou rejetée, la peur aura gagné la votation. Et restera ignorée celle que vivent les cibles de l’UDC, les demandeurs d’asile traités en délinquants et les étrangers, qui travaillent, cotisent, paient leurs impôts et qui n’ont pas le droit de voter.

Le Conseil fédéral, les associations patronales et les partis qui les suivent combattent l’initiative de l’UDC au nom de la prospérité des employeurs. Son succès créerait du chômage. Il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or. Mais ces œufs, ils ne les partagent pas! Le 24 novembre 2013, ils gagnaient le rejet massif de l’initiative sur l’écart salarial maximum 1:12. Et le 28 novembre, le magazine Bilan annonçait que la fortune des 300 plus riches de Suisse a crû de 67 milliards en un an pour atteindre 627 milliards de francs!

La tradition comme valeur. L’UDC chante la beauté du paysage contre le bétonnage, l’harmonie de notre culture contre l’invasion étrangère, l’histoire de notre pays contre les apprentis sorciers qui bradent (les mondialistes), etc. Mais ces références, tous les partis gouvernementaux les partagent! Depuis 1931, la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) combat la «surpopulation étrangère» (Überfremdung) et veille «aux intérêts économiques et moraux du pays».

En 1991, le Conseil fédéral a proposé de refuser l’autorisation de séjour aux «ressortissants des pays qui n’ont pas les idées européennes au (sens large)». Ce refus est au cœur de sa nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr). En 2006, l’UDC soutenait cette loi, elle la rejette aujourd’hui.

S’enrichir du travail des migrant-e-s et prévenir la solidarité de classe entre travailleurs suisses et étrangers arment le code génétique des intérêts bourgeois. Depuis 1917, ils adaptent ces impératifs aux évolutions successives avec la complicité organisée de différents «représentants du monde du travail».

En 1917, la lutte contre l’Überfremdung devenait une priorité du Conseil fédéral. Il instituait un office fédéral – l’actuel Office fédéral des migrations (ODM) – et demandait en 1924 la modification de la Constitution fédérale qui lui donnerait le droit d’élaborer sa base légale. La Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers devait entrer en vigueur le 1er janvier 1934 mais est appliquée dès avril 1933. Hitler a pris le pouvoir. De rapides mesures antijuives semblent nécessaires aux autorités suisses.

En mars1938, le conseiller fédéral Giuseppe Motta salue l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie comme «le plus grand événement historique depuis la Guerre mondiale» et le Conseil fédéral estime que «nous devons nous défendre de toutes nos forces et sans pitié contre l’immigration des Juifs, tout particulièrement des Juifs de l’Est».

Afin de filtrer les Juifs allemands à la frontière suisse, les autorités suisses demandent aux autorités nazies d’apposer «un signe distinctif» dans les passeports des Juifs allemands. Mais pourquoi n’ont-elles toujours pas reconnu leur responsabilité dans la négociation du «Tampon J»?

La barque était-elle pleine, l’est-elle aujourd’hui? En juillet 1942, l’extermination des Juifs commence en France. Pour éviter l’accueil de réfugiés juifs, le Conseil fédéral décide que la «barque est pleine». Le 30 août 1942, le conseiller fédéral von Steiger justifie cette décision: «lorsqu’on a le commandement d’une petite embarcation de sauvetage déjà lourdement chargée, ayant une faible capacité et pourvue d’une quantité limitée de vivres, et que des milliers de victimes d’une catastrophe maritime appellent à l’aide, il faut savoir se donner l’air d’être dur si l’on ne peut pas prendre tout le monde à bord».

Crever l’abcès: nous vivons en société et non dans un bateau! La Suisse de 1942 n’était pas une petite embarcation de sauvetage mais un solide navire qui assurait une partie de l’approvisionnement industriel du IIIe Reich! En va-t-il autrement aujourd’hui? La crainte des réfugiés ne fut-elle pas la première réaction suisse au printemps arabe? Qu’en est-il de l’accueil des réfugiés syriens à l’heure où on nous serine que les musulmans ne sont pas «assimilables»? Pour justifier la politique d’immigration du gouvernement, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga ne nourrit-elle pas la séculaire hantise de la lutte contre la menace d’Überfremdung lorsqu’elle affirme aujourd’hui que «la barque n’est pas pleine»?

Quels que soient nos nationalités, nos religions, nos statuts, c’est tous ensemble que nous pourrons lutter, pour préserver et améliorer nos conditions de vie et notre cadre de vie.
 

* ACOR SOS Racisme. Karl Grünberg est président de «Tampon J» qui organise une conférence-débat le 10 février à 18 h 30,
à la Maison des associations, Salle Gandhi, à Genève. Infos: www.tamponj.ch/wp-content/uploads/2014/01/
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Opinions Agora Karl Grünberg

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Votations du 9 février 2014

mardi 3 décembre 2013

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