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Le Front national: un parti illégal et anticonstitutionnel?

FRANCE • Considérant le Front national comme une menace pour la cohésion sociale, Fayçal Megherbi, avocat, pose la question de la dissolution du parti d’extrême droite. En relevant que la législation française dispose des outils ad hoc.

Un parti diviseur et ayant la préférence nationale comme devise serait-il républicain? Justifierait-il son existence dans un système politique démocratique? La France officielle cautionne-t-elle les dérapages de cette association politique? Le président de la République française et son gouvernement ont-ils un pouvoir de contrôle sur les activités illicites des partis politiques qui ne respectent pas le pacte social et les valeurs prévues dans la Constitution française?

Le Front national a, plusieurs fois, été impliqué dans des procédures judiciaires pour incitation et provocation à la haine, à la violence et à la discrimination à caractère raciste. Malgré cela, il demeure toujours dans le paysage politique français. Pire encore, il pourrait gouverner la France en 2017. Il est donc légitime de s’interroger sur la légalité de ce parti dans un pays, comme la France, qui clame son attachement aux libertés fondamentales et aux droits de l’homme.

Les partis politiques en France ont le statut d’associations – régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Ils ont pour objectif d’exercer le pouvoir ou au moins d’y participer. Les partis politiques «concourent à l’expression du suffrage», selon l’article 4 de la Constitution française. Ils participent à l’animation de la vie politique.

Le Front national a, à plusieurs reprises, fait l’objet de poursuites pénales car son discours tombait sous le coup des dispositions de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui prévoit les principes suivants: «Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.»

Ces propos de propagande illicite ne traduisent ni les demandes ni les besoins du peuple français et ne peuvent viser que la division de la cohésion de la société nationale. Ce qui est dangereux et menaçant pour la sûreté, la sécurité et l’ordre public. Ce que ce parti n’a pas encore compris, c’est que la France est devenue multicolore et que l’identité nationale française est multiple. L’islam, le musulman, l’arabe, le maghrébin ou l’étranger font partie de l’histoire de la France et des racines de la nation française d’aujourd’hui. La preuve la plus convaincante est la composition du gouvernement actuel, formé de personnalités politiques issues de cette diversité qui fait de la France un pays multiculturel.

Le droit français prévoit des mesures administratives pour promouvoir le principe d’égalité de traitement dans les rapports publics et les relations entre personnes ou les groupes de personnes. En conséquence, les autorités administratives ainsi que les institutions gouvernementales disposent d’un certain nombre de pouvoirs et de compétences afin de veiller au respect du principe de non-discrimination et d’égalité dans la société française. Une loi1 value="1">La loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, complétant l’article 1er de la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées. permet notamment au président de la République de prononcer par décret, en Conseil des ministres, la dissolution des associations ou groupements de fait qui «[…] provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupement de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée».

Le FN bénéficie toujours de l’argent public. En France, le financement des partis politiques a été réglementé à partir de 1984. Nouveauté apportée par ces lois sur le financement des partis: l’aide publique est désormais la ressource principale des partis. Peut-on accepter en France qu’un parti diviseur comme le Front national bénéficie toujours de l’argent public et continue à faire des ravages dans la vie politique française? Est-il toujours nécessaire de rappeler que la devise de ce pays est encore «Liberté, égalité et fraternité»!

Il est légitime d’affirmer que la France officielle doit prendre les mesures nécessaires et symboliques pour éviter justement les «dérapages» calculés de certains responsables d’associations politiques. Le but est d’arriver enfin à concrétiser la paix dans la société française et poser finalement les fondements d’une relation basée sur le respect réciproque.

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