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Le Venezuela face au mutisme des experts en développement

AGORA PRÉSIDENTIELLES • L’élection présidentielle au Venezuela, le 7 octobre prochain, est «plus importante pour le monde que l’élection présidentielle américaine» du 6 novembre, soutient Marc-Antoine Fournier.

Dans la trop longue histoire de l’autonomie des peuples et des nations dits en développement, le Venezuela est le très rare exemple dont le gouvernement élu démocratiquement a acquis la souveraineté sur les matières premières pour en tirer les moyens du progrès social, et pas en théorie mais en pratique surtout.
Avant l’arrivée d’Hugo Chavez et de son gouvernement en 2009, c’est depuis 1922 que les compagnies étrangères ont bénéficié de conditions avantageuses partageant la gestion des principales activités économiques du pays avec une élite vénézuélienne restreinte et richissime. Les multinationales du pétrole qui ne payaient que 1% d’impôt sur le bénéfice paient maintenant 33%, donnant ainsi les moyens au gouvernement de réaliser des missions sociales de grande envergure. Mais cela indique aussi la durée des incroyables pillage et corruption, protégés par une répression féroce, source de pauvreté et de misère subie par la population durant toutes ces années.
Quand les Instituts internationaux parlant développement et leurs experts s’intéresseront-ils à ce rare exemple de libération économique et politique autrement que par des critiques gratuites? Quand ces mêmes instituts et experts se poseront-ils la question du pourquoi de l’arrivée au pouvoir en Uruguay, au Salvador, au Brésil, d’anciens membres de guérillas, élus démocratiquement malgré les candidatures de droite radicale aux moyens financiers énormes? Et du pourquoi de l’arrivée au pouvoir de Evo Morales en Bolivie et de Rafael Correa en Equateur?
Concernant le Venezuela, savent-ils que ce pays est 22 fois plus étendu que la Suisse ou 1,3 fois plus étendu que la France? Que la frontière avec la Colombie est de 2050 kilomètres, soit plus que la distance Genève-Helsinki, donc difficilement contrôlable et donc bien plus utilisée par les paramilitaires colombiens, grands producteurs de drogue, que par la guérilla des FARC?
Comment se fait-il que l’armée américaine fortement implantée en Colombie – dont les satellites sont capables de voir une boîte d’allumettes sur un terrain de football – ne voie pas les avions chargés de drogue décollant des dizaines de pistes clandestines? Cependant, les accusations de trafic et de non collaboration sont dirigées depuis plusieurs mois contre le Venezuela par les deux candidats aux élections américaines.
Silence assourdissant déplorable de ces experts en développement, alors que presque tout un continent, des millions de femmes et d’hommes, disent sans violence leur envie de plus de justice et moins d’humiliation à travers des élections libres.
En regard au formidable changement de qualité de vie de ces femmes et de ces hommes qui va se poursuivre si Hugo Chavez gagne les élections de dimanche prochain et à l’exemple donné à d’autres pays, pays africains notamment, l’élection présidentielle du 6novembre aux Etats Unis est secondaire.
C’est bien évidemment la crainte que d’autres nations du monde, productrices de matières premières stratégiques, suivent l’exemple du Venezuela qui amène depuis des années, et plus intensément ces dernières semaines, les forces économiques dominantes du Nord à s’unir pour présenter l’image d’Hugo Chavez comme celle d’un dictateur marxiste intolérant et manipulateur, alors que ces mêmes forces économiques sont en train de mettre à genoux des nations entières en Europe.
Ces attaques sont quotidiennes, par l’agence Associated Press, par les principaux journaux et télévisions privées en mains des secteurs de droite les plus radicaux qui ne rêvent que de revenir au bon temps de l’avant 2009. Dans quel pays, autre que le Venezuela, des organisateurs d’un coup d’Etat pourraient vivre en toute tranquillité et insulter jour après jour son président?
Que Jimmy Carter indique, ce 19septembre 2012, que le processus électoral du Venezuela est le meilleur du monde, que la scolarité à augmenté de 43% à 71%, que la pauvreté générale a baissé de 44% à 27%, que le dernier rapport du PNUD concernant l’indice de développement humain du Venezuela est le meilleur de l’Amérique latine, que 256000 logements, dont plusieurs dizaines de milliers de maisons, ont été attribués en 2011 et 2012, que la liberté de la presse et la liberté religieuse sont totales; tout cela est sans importance pour la droite vénézuelienne et internationale qui soutient Henrique Capriles Radonski, défenseur des investissements privés à tous les niveaux de la nation et issu d’une des familles les plus riches du pays. Il a participé au coup d’Etat contre Hugo Chavez en 2002. En vrai bon manipulateur, il se présente comme un progressiste de centre gauche et participe aux réunions électorales bardé d’images de la vierge Marie. Il est plus que souhaitable qu’une victoire importante d’Hugo Chavez prouve l’imposture de la subite conversion aux idéaux humanistes de la droite radicale vénézuélienne et internationale.
Laissera-t-elle un déroulement pacifique de l’élection et acceptera-t-elle le résultat qui sortira des urnes? C’est à souhaiter, comme est à souhaiter une autre vision des gouvernements européens envers le gouvernement vénézuélien avec lequel des relations économiques pourraient être profitables aux deux parties à travers des accords de partenariat et non de domination.
 

* Economiste du développement, Genève

Opinions Agora Marc-Antoine Fournier

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Venezuela

lundi 1 octobre 2012

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