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«Red Bull crashed ice», il faut geler cette décision

AGORA LAUSANNE • En dépit des critiques suscitées par l’édition 2009, la municipalité de Lausanne a autorisé l’organisation, en mars 2013, d’un nouveau show, mi-publicitaire, mi-sportif, de «Red Bull crashed ice». Réactions sur les bancs des élus communaux.

S’il fallait trouver une qualité au «Red Bull crashed ice» – cette exhibition publicitaire pour une boisson gazeuse – c’est de parvenir à rassembler la quasi-totalité du spectre politique contre elle. On se souvient qu’en 2009, le Conseil communal avait critiqué, toutes tendances confondues, la venue de cette manifestation. On peinait, il est vrai, à comprendre pourquoi une ville soucieuse de développement durable autorisait l’installation d’une piste de glace de 400 mètres, place de la Riponne. Une mauvaise plaisanterie qui a tout de même nécessité de dépenser 21 MWh d’électricité, 12000 litres de diesel, 400m3 d’eau et qui a coûté 170 000 francs d’argent public.
Quatre ans plus tard, rebelote; une nouvelle autorisation a été accordée pour 2013. Et sans consulter le Conseil communal, s’il-vous plaît! Alors qu’on lit ces jours que les glaces arctiques n’occupent plus que la moitié de la surface qu’elles occupaient durant l’été il y a trente ans, autoriser une nouvelle édition du «crashed ice» l’an prochain consiste à envoyer un message particulièrement négatif en matière de protection du climat. La Municipalité est très largement à gauche, notre syndic est Vert, la ville affiche fièrement nombre de labels et de récompenses écologiques sur son site internet… Tout ça pour ça?
Outre l’aspect peu vert de l’affaire, on peut s’interroger sur la mise à disposition gratuite de l’espace public à des fins publicitaires, et sur le caractère prétendument «sportif» de cet événement: les Lausannois, qui subventionnent ce grand show, ne peuvent pas utiliser les installations. Des questions de santé publiques se posent également: sans tomber dans le politiquement correct, on peut se demander si la Municipalité est vraiment dans son rôle lorsqu’elle s’associe à un fabriquant d’une boisson qui était interdite à la vente il y a encore quelques années de l’autre côté de la frontière, qui est déconseillée à la consommation pour les moins de 18ans et les femmes enceintes et qui est notoirement suspectée de favoriser des problèmes de santé du fait de son taux élevé de caféine et de sucre. Le show publicitaire en question s’adressant particulièrement aux jeunes, de l’aveu même de l’exécutif lausannois, on est en droit de s’interroger, ici aussi, sur le signal adressé.
Enfin, mais comment s’en étonner, on ne peut que déplorer que cet événement cède à cette mode vaguement branchouille (et, en réalité, déjà totalement ringarde) consistant à faire usage d’un anglais dévoyé pour nommer tout ce qui doit «faire jeune». Quitte à devoir subir (et payer) ce grand machin commercial, on aurait au moins souhaité une appellation en français; «Glace pilée du taureau rouge 2013», peut-être? Soyons clair: nommer ce truc un «crashed ice» est au moins aussi ridicule qu’appeler une bibliothèque un «learning center».

* Conseiller communal, Lausanne, vice-président du POP vaudois.

Opinions Agora Julien Sansonnens

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